Tahiti, le 23 février 2020 - À la veille des élections municipales, l’association Mata Atea s’autorise un engagement politique en faveur des listes qui partagent son combat. Le soutien de cette association constituée en opposition au projet de tracé de la Route du sud est pour l'instant acquis à la seule liste Tavini-Tahoera’a Na Manu 'ura conduite par Tony Géros.
L’association Mata Atea a convoqué une assemblée générale extraordinaire, samedi à la mairie de Paea, pour modifier ses statuts et s’autoriser un engagement politique en faveur des listes qui partagent son combat.
Accessoirement, il s’agissait aussi de valider le programme des prochaines actions portées par cette association constituée le 27 septembre 2019 en opposition au passage de la Route du sud à Paea. Au premier plan de celles-ci : les élections municipales. Ensuite, des projets sont "
en train de mijoter" au sein de l’association Mata Atea, en collaboration avec d’autres collectifs en prévision de la visite officielle en Polynésie du chef de l’Etat, mi-avril.
Jusqu’à présent, Mata Atea s’interdisait tout militantisme politique. Depuis samedi, une modification de l’article 6 de ses statuts, adoptée par dix voix sur les onze membres présents, lui permet de "soutenir toute initiative politique qui intégrera officiellement et sincèrement le rejet de la Route du sud au profit de toute alternative prônée par l’association". Exit en outre de cette charte la restriction fixée par son article 7 interdisant à l'association "toute position religieuse, sectaire ou de favoritisme politique (…)".
"On n'a pas le choix. On n'est pas écouté"
À Mata Atea la voie est dorénavant libre pour un engagement politique assumé. Et il ressort que pour l’instant, son soutien est acquis en toute exclusivité à la liste Tavini-Tahoera’a
Na manu 'ura e rua te hono i te tumu nui conduite à Paea par le vice-président du parti souverainiste, Tony Géros. Une liste sur laquelle figure d’ailleurs Teddy Tehei, un membre influent de cette association contestataire. "
C’est la seule qui nous a permis de contribuer à la conception de son programme, notamment en ce qui concerne le projet de Route du sud. C’est la seule que l’on peut soutenir puisque c’est la seule qui nous propose quelque chose", s’explique Gilles Parzy, président de Mata Atea et déjà connu pour son
engagement en faveur l’agriculture bio. "
On n’a pas le choix. On n’est pas écouté. On a écrit au président Fritch. Pas de réponse. On a essayé de communiquer avec son ministre (René Temeharo, NDLR). On obtient de la langue de bois. Donc il est clair que nous n’avons pas d’autre choix. On met la pression sur le terrain. On a fait des actions. On informe régulièrement les habitants, mais ce n’est pas suffisant. Il nous faut aussi être écoutés par les politiques. Et je ne vois pas d’autre moyen efficace d’être écouté que par la sensibilisation des électeurs en faveur d’un programme."
Des appels de pied ont été faits sans réponse en direction d’autres listes à Paea et dans les communes de Papara et Teva i Uta, assure-t-il.
Mata Atea et
Na manu 'ura e rua te hono i te tumu nui font donc cause commune pour les municipales. Un travail de terrain en vue du scrutin de mi-mars pour lequel l’association entend peser de ses 101 adhérents et de ses
"milliers de pétitionnaires dont les coordonnées sont enregistrées". Mais cet engagement politique ne fait pas l’unanimité au sein de l’association. Il a déjà provoqué la démission de l’ancienne secrétaire de Mata Atea. Samedi, le seul auditeur de l’assemblée générale non encore membre s’est poliment réservé
"un temps de réflexion" avant de signer son adhésion…
Alternative à la Route du sud
Le 13 janvier dernier, le gouvernement a décidé
d’abandonner le projet d’itinéraire retenu jusqu’alors pour la Route du sud. Ce tracé prévoyait de relier la Punaruu à Taravao, sur une distance de 43 kilomètres avec une route à quatre voies aménagées en fond de plaine, au pied des montagnes, sur une emprise de 60 mètres, talus inclus. Mata Atea analyse cette décision comme une "tentative gouvernementale d’endormissement des populations les plus concernées pendant la période électorale des municipales". Elle en veut pour preuve l’autorisation de programme de 1 milliard de Fcfp adoptée le 10 décembre dernier au budget 2020 pour les travaux de la première tranche de cette voie de dégagement.
Pour elle, cette réalisation dont l’investissement est estimé jusqu’à présent à près de 180 milliards de Fcfp (1,5 milliard d’euros), conduirait à l’enfouissement sous le goudron de "
500 hectares de terres parmi les plus fertiles de Tahiti", l’expropriation de 600 parcelles, le déplacement de 450 maisons, d’écoles et de cimetières.
Mata Atea défend
un projet alternatif présenté samedi par l’architecte urbaniste Éric Poinsignon sous le nom Libre accès à la mobilité (LAM).
Pour le spécialiste, l’économie de ce budget de 180 milliards de Fcfp permettrait de développer le maillage du réseau des transports en commun et d’en financer la gratuité. Avec une politique fiscale incitative aux déplacements doux, cette alternative à la Route du sud apporterait une solution respectueuse de l’environnement et durable aux problèmes de circulation sur la côte ouest de Tahiti.