MAJURO, mardi 3 septembre 2013 (Flash d’Océanie) – La 44ème édition du sommet annuel des dirigeants du Forum des Îles du Pacifique (FIP) a débuté officiellement mardi, avec comme sujets forts les menaces liées aux changements climatiques, mais aussi la question d’une éventuelle réintégration de Fidji ou encore, plus profondément, un examen de conscience de cette organisation régionale, de plus en plus défiée voire contestée par des groupement subrégionaux.
En tête de la liste des sujets vedettes lors de cette réunion annuelle de cette organisation politique océanienne, qui regroupe 16 États membres, dont l’Australie et la Nouvelle-Zélande : les questions liées aux changements climatiques et aux menaces qu’ils posent à de nombreux archipels insulaires océaniens, dont certains ne sont pas plus élevés de cinq mètres au-dessus du niveau de la mer
Ces États les plus menacés sont en particulier Kiribati, Tuvalu, les îles Marshall, ainsi que certaines parties de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, de Vanuatu ou encore des îles Fidji.
Cette année, alors que le thème de ce sommet retenu est « Organiser la réponse du Pacifique face aux changements climatiques », nombreux sont les dirigeants qui ont annoncé la couleur et leur détermination à voir ce sujet dépasser les confins du grand Océan.
Lors de précédents sommets internationaux, comme récemment celui de Copenhague, les petits États océaniens, tenant de se faire entendre au plan mondial, ont trop souvent eu l’impression que leur parole était étouffée.
Hôte du sommet, cette année, les îles Marshall veulent saisir l’occasion de cette Présidence du FIP qu’ils entament pour frapper fort et affirmer une fois de plus que les effets des changements climatiques touchent en premier lieu les îles du Pacifique, alors que, paradoxalement, ces États océaniens figurent parmi les plus petits émetteurs de gaz à effet de serre de la planète.
Les îles Marshall sont confrontées depuis plusieurs mois à une pénurie de pluies, donc d’eau potable, qui a suscité déjà de nombreux plans d’aide d’urgence montés par plusieurs pays et organisations internationales (dont, tout récemment l’Union Européenne).
Cette situation a provoqué sur place la proclamation d’un état de catastrophe naturelle.
En substance, les pays les plus directement concernés par ces menaces estiment que le temps est venu de taper du poing sur la table et d’exiger des actes et non plus des paroles ou des engagements vides de sens de la part des pays les plus pollueurs de la planète.
Un « déclaration de Majuro » devrait notamment ressortir de cette réunion du FIP, reprenant ainsi tous les thèmes de ces problématiques environnementales.
En guise de lever de rideau à la séance plénière du FIP, en début de semaine, c’est le sous-groupe des « Petits États Insulaires » du Pacifique qui a entamé les débats, avec l’intervention remarquée la Commissaire européenne pour l’action climatique, Corinne Hedegaard.
Cette dernière a notamment rappelé la volonté de l’Europe d’aider le Pacifique à faire face à ces changements climatiques, avec des programmes dédiés et dont une des récentes illustrations a été un partenariat de financement avec la Nouvelle-Zélande en vue de faire la conversion vers les énergies renouvelables dans plusieurs petits États de la région.
« La région du Pacifique peut compter sur la coopération et l'ambition de l’Europe en matière de climat. Nous comptons sur la région du Pacifique pour nous aider à associer toutes les autres grandes économies à l'élaboration d'un futur régime ambitieux de lutte contre le changement climatique, qui devra être prêt en 2015. Il n’y a pas de temps à perdre si nous voulons éviter que des catastrophes dévastatrices occasionnées par le changement climatique ne deviennent désormais la norme» », a lancé la Commissaire depuis Majuro.
Elle a aussi rappelé que « l’UE et ses États membres sont les plus gros bailleurs de fonds au niveau mondial et les seconds dans la région du Pacifique, après l’Australie. Le montant de la coopération au développement de l'UE avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) et les PTOM (pays et territoires d’outre-mer) du Pacifique gérée par la Commission européenne est estimé à 750 millions d’euros pour la période 2008-2013 ».
Christopher Loeak, Président des îles Marshall et son ministre chargé des questions de changements climatiques, Tony de Brum, ont aussi rappelé que lors de ce sommet du Forum, cette année encore, « trois des quatre pays les plus vulnérables de la planète sont représentés et font partie du Pacifique. Il nous semble particulièrement opportun, ici et maintenant, de tenir des discours réalistes », a lancé M. de Brum.
D’autres, comme Tuvalu, dénoncent pour leur part les mécanismes de financement mis en place ces dernières années, mais auxquels les pays concernés n’ont pas pu avoir accès, faute de moyens administratifs suffisants, a rappelé le chef du gouvernement de Niue, Toke Talagi.
« Nous n’avons tout simplement pas la capacité de mettre en œuvre une grande partie de ces projets, qui ont pourtant été approuvés et pour lesquels les fonds ont été versés », a-t-il remarqué.
Pour Jimmie Rodgers, Secrétaire général de la Communauté du Pacifique, la plus ancienne organisation régionale et intergouvernementale (fondée en 1947), l’une des mesures les plus concrètes et immédiates serait, par exemple, de se fixer un an pour faire disparaître toutes les ampoules à incandescence.
« Je ne vois pas comment on peut parler d’énergies renouvelables si on utilise toujours des ampoules à incandescence, ou des réfrigérateurs, des congélateurs et des climatiseurs non conformes aux normes de respect de l’environnement. C’est un peu comme si on se suicidait », a-t-il lancé lundi devant les dirigeants des petits États insulaires.
Fidji : le Forum marche sur des œufs
Sur la question épineuse de Fidji, exclu du Forum depuis mai 2009, pour cause de non-retour rapide à la démocratie, à la suite du putsch de décembre 2006, les bruits de couloirs persistants semblent indiquer que cette édition du sommet du FIP pourrait être aussi marquée par une réadmission de cet archipel en son sein.
Motif : les récents progrès enregistrés en matière de respect de la feuille de route de retour à une démocratie et, notamment, l’annonce en août 2013 d’une nouvelle Constitution et la mise en place d’un processus d’enregistrement des citoyens sur les listes électorales, pour un scrutin toujours annoncé pour septembre 2014 au plus tard.
Cette nouvelle Constitution prévoit un parlement unicaméral composé de 50 sièges, renouvelables tous les quatre ans.
La publication de la Constitution, quoique boycottée ostensiblement par les partis politiques locaux, pour la plupart ayant été au pouvoir tour à tour avant le putsch, a été plutôt bien reçue par la communauté internationale et notamment par l’Australie, dont le chef de la diplomatie, Bob Carr, estimait en substance il y a quelques jours qu’il s’agissait d’une évolution « importante » dans la bonne direction.
Son homologue néo-zélandais, Murray McCully, a pour sa part réagi de manière plutôt neutre, alors que le Premier ministre kiwi, John Key, allait plus loin en parlant non seulement de « pas dans la bonne direction », mais aussi de son « optimisme » quant à la tenue d’élections dans les délais annoncés et de la nécessité de faire des « compromis » avec Fidji et son gouvernement actuel, issu du putsch et dirigé par le Contre-amiral Franck Bainimarama.
Du côté du secrétariat général du FIP, l’avis exprimé par le numéro de l’organisation, Feleti Teo, a été clair en début de semaine : le FIP a pris la posture, depuis 2009, d’examiner la situation fidjienne, et éventuellement de réintégrer l’archipel lorsqu’il aura été établi que des progrès jugés crédibles auront été réalisés en matière de retour à la démocratie.
Sur ce terrain-là, l’enregistrement des citoyens sur les listes électorales et la publication récente de la Constitution semblent être considérés comme des leviers pouvant faire basculer une décision en faveur de Suva… Ou alors insuffisants, auquel cas le FIP pourrait décider d’attendre que la date du scrutin se rapproche.
Une mission ministérielle d’observation et de « contact » du FIP avait prévu de se rendre à Fidji avant la tenue de ce 44ème sommet, mais le gouvernement de Suva n’a pas souhaité donné suite, tout en rappelant publiquement, en août 2013, qu’un accord concernant cette venue était au préalable nécessaire.
Dans le même temps, Fidji indiquait que même au cas où il serait invité à réintégrer le Forum (dont le siège d Secrétariat se trouve à Suva), il n’était pas forcément intéressé, allant même jusqu’à exiger, comme condition préalable, que l’Australie et la Nouvelle-Zélande fassent le choix entre leur statut de membre et celui de donateur au sein de cette organisation.
Cette suggestion en reprenait un autre de la part du pouvoir de Suva : celle selon laquelle Canberra et Wellington exercent, depuis longtemps, une influence excessive au sein du PIF.
Les délégations et les grands absents
Cette année, alors que pour le sommet 2012 aux îles Cook, la délégation américaine était menée, sous le signe du « réengagement » avec le Pacifique, par la secrétaire d’État de l’époque, Hillary Clinton, les îles Marshall (qui entretiennent toujours des relations privilégiées avec Washington, en tant qu’ancien site d’essais nucléaires et actuel site de lancement de missiles dans le cadre d’un programme anti-missiles balistiques) espéraient voir celui qui lui a succédé, John Kerry.
C’est finalement la Secrétaire pour l’Intérieur, Sally Jewell, qui a fait le déplacement.
Elle est accompagnée de l’ambassadrice des États-Unis basée à Suva (Fidji), Frankie Reed, mais aussi de hauts-responsables des garde-côtes américains dans la région et de représentants des forces armées dans le Pacifique, pour participer, en fin de semaine au traditionnel dialogue « Post-Forum ».
Kevin Rudd, Premier ministre australien, en pleine dernière ligne droite de campagne électorale (les législatives auront lieu le samedi 7 septembre 2013), n’a pas jugé utile de se déplacer, alors que dans le cadre de sa politique dure de lutte contre l’immigration clandestine à destination de l’Australie, Canberra a fait rouvrir deux camps de détention pour demandeurs d’asile sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) et à Nauru.
L’Australie est représentée par un ancien secrétaire d’État aux affaires du Pacifique, Richard Marles.
La Nouvelle-Zélande est représentée au sommet par son Premier ministre John Key.
Les 15 États membres présents sont : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les îles Cook, les États Fédérés de Micronésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Nauru, Tuvalu, Tonga, Vanuatu, les îles Salomon, les îles Marshall, Kiribati, Samoa, Palau, Fidji n’étant toujours pas autorisé à être représenté au niveau de chef de gouvernement.
La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, sur décision des dirigeants du FIP en 2005, sont depuis considérés comme des « membres associés ».
Wallis-et-Futuna est, depuis cette date, promu observateur.
Lors de la session « post-Forum, les pays et organisations considérés comme partenaires du FIP brossent les grandes lignes de leurs actions à venir en matière d’aide multilatérale au développement.
Ces 14 partenaires post-Forum sont le Canada, la Chine, l’Union Européenne, la France, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, la Corée du Sud, la Malaisie, les Philippines, les États-Unis, la Thaïlande et le Royaume-Uni.
Entre autres délégations, celle de la France est menée par l’ambassadeur Hadelin de la Tour du Pin, Secrétaire Permanent pour le Pacifique, qui gère aussi, bon an, mal an, un « Fonds Pacifique » alimenté à hauteur d’environ deux millions d’euros pour chaque exercice.
Font également partie de cette délégation un haut-fonctionnaire de la direction Asie-Océanie du ministère des affaire étrangères ainsi qu’un diplomate attaché à l’ambassade de France à Manille (Philippines, compétente depuis 2006 pour Palau et les États Fédérés de Micronésie)
La délégation du Royaume-Uni est dirigée par le député Hugo Swire, accompagné du Haut-commissaire (ambassadeur) britannique basé à Fidji et désormais chef d’un nouveau concept : le réseau diplomatique des ambassades britanniques dans le Pacifique Sud.
Pour les deux collectivités françaises océaniennes « membres associés’ du FIP, la délégation de la Polynésie française est conduite par son Président Gaston Flosse, celle de la Nouvelle-Calédonie par le Président de son gouvernement collégial, Harold Martin.
Régionalisme et sous-régionalismes : Mélanésie face à Polynésie ?
Face aux critiques de certains, avec en tête Fidji, qui pousse pour le développement d’un nouvel « alter-Forum », le PIDF (Pacific Islands Development Forum), la vieille organisation régionale, fondée en 1971, a entamé, ces derniers mois, un examen de conscience.
Cet examen a pris la forme d’un audit, de la part d’un panel présidé par l’ancien Premier ministre papou Sir Mekere Morauta.
Sir Mekere doit dévoiler cette semaine les grandes lignes de ses recommandations, avec une remise en cause du fameux « Pacific Plan » (Plan Pacifique) adopté en 2006 par les dirigeants du PIF et qui s’articulait autour de plusieurs piliers, comme la bonne gouvernance, la croissance économique, la sécurité et la coopération régionales.
Or, selon les détracteurs de ce plan, ces grands principes n’ont pas trouvé de résonance dans les faits et, de plus, la perception de nombreux océaniens, aussi bien au gouvernement que dans le grand public, est que le PIF semble détaché des préoccupation quotidiennes des insulaires du Pacifique.
En forme de mea culpa, le FIP pourrait tenter de redorer le blason de ce plan en lui insufflant un nouvel élan, plus pragmatique, ou même en le remplaçant tout bonnement par un autre document mettant en avant la notion d’intégration régionale.
Entre-temps, au plan du régionalisme, ce sont plutôt les « sous-régionalismes » qui semblent faire florès.
Outre le PIDF porté par Fidji sur les fonds baptismaux en août 2013, en présence de nombreux représentants de gouvernements ou d’organisations océaniennes (dont Jimmie Rodgers de la CPS), le Groupe Mélanésien Fer de Lance, toujours sous l’impulsion de la présidence fidjienne ces deux dernières années, a lui aussi joué une politique d’ouverture extrarégionale, en acceptant de nouveaux observateurs comme l’Indonésie.
En réponse, ces trois dernières années aussi, les dirigeants polynésiens ont lancé « leur » organisation subrégionale, baptisée « Polynéesian Leaders Group » (PLG).
Ce PLG a tenu sa troisième réunion annuelle le 30 août 2013, à Auckland, réunion au cours de laquelle la Présidence tournante a été passée des îles Cook à la Polynésie française.
Selon Henry Puna, Premier ministre des îles Cook et Président sortant du FIP, toutefois, cette montée en puissance des « sous-régionalismes » ne signifie par forcément un effondrement du Forum.
« Certains, y compris à Washington, ont cette idée selon laquelle la croissance des sous-régionalismes, via le Groupe Mélanésien Fer de Lance, le groupe des dirigeants polynésiens et même maintenant les Micronésiens, lance un signal indiquant un démantèlement lent du Forum. Je ne suis pas d’accord. Leurs positions sont basées sur des suppositions qui ne sont pas correctes. Au contraire, on pourrait dire beaucoup de choses à propos du sous-régionalisme. Cela permet à des groupements ayant des intérêts en commun de traiter de problèmes qui ne sont pas forcément pertinents pour d’autres, et qui peuvent donc être mieux abordés au sein d’un cercle d’amis. Si nous utilisions cette notion de sous-régionalisme pour cultiver une proximité avec nos voisins, alors des solutions peuvent apparaître, des solutions qu’on n’aurait pas pu trouver dans des espaces régionaux plus larges. Donc, le sous-régionalisme, il est là pour longtemps », a-t-il analysé.
Début août 2013, s’exprimant depuis le siège de l’ONU, à l’occasion d’un débat public organisé par le Conseil de Sécurité sur cette question, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a estimé que « Les organisations régionales et sous-régionales doivent renforcer leur coopération pour mieux affronter les défis internationaux ».
Ce débat était particulièrement axé sur la « Coopération entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales».
« Ces organisations ont une connaissance profonde, un aperçu unique et des réseaux locaux. Ces éléments sont essentiels pour la médiation et la planification d'une opération du maintien de la paix», a souligné M. Ban.
Après la première réunion des dirigeants de petits États insulaires (Smaller Islands States), mardi 3 septembre 2013, le 44ème sommet du FIP devrait être officiellement ouvert le soir même avec, le lendemain, la séance plénière et, jeudi 5 septembre 2013, la traditionnelle « retraite » des dirigeants, en un lieu balnéaire, dans un cadre détendu, informel, où, pourtant, se prennent de nombreuses décisions et positions cruciales.
S’ensuit généralement, dans la foulée, la publication du communiqué final, texte alchimique rassemblant toutes les prises de position du FIP sur des dossiers allant de l’environnement aux postures politiques en passant par d’éventuels changements de statut et le lieu du sommet suivant.
Enfin, vendredi 6 septembre aura lieu le non moins traditionnel « dialogue post-Forum », en mode multilatéral, enchaînant les sessions entre cette organisation régionale et les États ou organisations partenaires.
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En tête de la liste des sujets vedettes lors de cette réunion annuelle de cette organisation politique océanienne, qui regroupe 16 États membres, dont l’Australie et la Nouvelle-Zélande : les questions liées aux changements climatiques et aux menaces qu’ils posent à de nombreux archipels insulaires océaniens, dont certains ne sont pas plus élevés de cinq mètres au-dessus du niveau de la mer
Ces États les plus menacés sont en particulier Kiribati, Tuvalu, les îles Marshall, ainsi que certaines parties de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, de Vanuatu ou encore des îles Fidji.
Cette année, alors que le thème de ce sommet retenu est « Organiser la réponse du Pacifique face aux changements climatiques », nombreux sont les dirigeants qui ont annoncé la couleur et leur détermination à voir ce sujet dépasser les confins du grand Océan.
Lors de précédents sommets internationaux, comme récemment celui de Copenhague, les petits États océaniens, tenant de se faire entendre au plan mondial, ont trop souvent eu l’impression que leur parole était étouffée.
Hôte du sommet, cette année, les îles Marshall veulent saisir l’occasion de cette Présidence du FIP qu’ils entament pour frapper fort et affirmer une fois de plus que les effets des changements climatiques touchent en premier lieu les îles du Pacifique, alors que, paradoxalement, ces États océaniens figurent parmi les plus petits émetteurs de gaz à effet de serre de la planète.
Les îles Marshall sont confrontées depuis plusieurs mois à une pénurie de pluies, donc d’eau potable, qui a suscité déjà de nombreux plans d’aide d’urgence montés par plusieurs pays et organisations internationales (dont, tout récemment l’Union Européenne).
Cette situation a provoqué sur place la proclamation d’un état de catastrophe naturelle.
En substance, les pays les plus directement concernés par ces menaces estiment que le temps est venu de taper du poing sur la table et d’exiger des actes et non plus des paroles ou des engagements vides de sens de la part des pays les plus pollueurs de la planète.
Un « déclaration de Majuro » devrait notamment ressortir de cette réunion du FIP, reprenant ainsi tous les thèmes de ces problématiques environnementales.
En guise de lever de rideau à la séance plénière du FIP, en début de semaine, c’est le sous-groupe des « Petits États Insulaires » du Pacifique qui a entamé les débats, avec l’intervention remarquée la Commissaire européenne pour l’action climatique, Corinne Hedegaard.
Cette dernière a notamment rappelé la volonté de l’Europe d’aider le Pacifique à faire face à ces changements climatiques, avec des programmes dédiés et dont une des récentes illustrations a été un partenariat de financement avec la Nouvelle-Zélande en vue de faire la conversion vers les énergies renouvelables dans plusieurs petits États de la région.
« La région du Pacifique peut compter sur la coopération et l'ambition de l’Europe en matière de climat. Nous comptons sur la région du Pacifique pour nous aider à associer toutes les autres grandes économies à l'élaboration d'un futur régime ambitieux de lutte contre le changement climatique, qui devra être prêt en 2015. Il n’y a pas de temps à perdre si nous voulons éviter que des catastrophes dévastatrices occasionnées par le changement climatique ne deviennent désormais la norme» », a lancé la Commissaire depuis Majuro.
Elle a aussi rappelé que « l’UE et ses États membres sont les plus gros bailleurs de fonds au niveau mondial et les seconds dans la région du Pacifique, après l’Australie. Le montant de la coopération au développement de l'UE avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) et les PTOM (pays et territoires d’outre-mer) du Pacifique gérée par la Commission européenne est estimé à 750 millions d’euros pour la période 2008-2013 ».
Christopher Loeak, Président des îles Marshall et son ministre chargé des questions de changements climatiques, Tony de Brum, ont aussi rappelé que lors de ce sommet du Forum, cette année encore, « trois des quatre pays les plus vulnérables de la planète sont représentés et font partie du Pacifique. Il nous semble particulièrement opportun, ici et maintenant, de tenir des discours réalistes », a lancé M. de Brum.
D’autres, comme Tuvalu, dénoncent pour leur part les mécanismes de financement mis en place ces dernières années, mais auxquels les pays concernés n’ont pas pu avoir accès, faute de moyens administratifs suffisants, a rappelé le chef du gouvernement de Niue, Toke Talagi.
« Nous n’avons tout simplement pas la capacité de mettre en œuvre une grande partie de ces projets, qui ont pourtant été approuvés et pour lesquels les fonds ont été versés », a-t-il remarqué.
Pour Jimmie Rodgers, Secrétaire général de la Communauté du Pacifique, la plus ancienne organisation régionale et intergouvernementale (fondée en 1947), l’une des mesures les plus concrètes et immédiates serait, par exemple, de se fixer un an pour faire disparaître toutes les ampoules à incandescence.
« Je ne vois pas comment on peut parler d’énergies renouvelables si on utilise toujours des ampoules à incandescence, ou des réfrigérateurs, des congélateurs et des climatiseurs non conformes aux normes de respect de l’environnement. C’est un peu comme si on se suicidait », a-t-il lancé lundi devant les dirigeants des petits États insulaires.
Fidji : le Forum marche sur des œufs
Sur la question épineuse de Fidji, exclu du Forum depuis mai 2009, pour cause de non-retour rapide à la démocratie, à la suite du putsch de décembre 2006, les bruits de couloirs persistants semblent indiquer que cette édition du sommet du FIP pourrait être aussi marquée par une réadmission de cet archipel en son sein.
Motif : les récents progrès enregistrés en matière de respect de la feuille de route de retour à une démocratie et, notamment, l’annonce en août 2013 d’une nouvelle Constitution et la mise en place d’un processus d’enregistrement des citoyens sur les listes électorales, pour un scrutin toujours annoncé pour septembre 2014 au plus tard.
Cette nouvelle Constitution prévoit un parlement unicaméral composé de 50 sièges, renouvelables tous les quatre ans.
La publication de la Constitution, quoique boycottée ostensiblement par les partis politiques locaux, pour la plupart ayant été au pouvoir tour à tour avant le putsch, a été plutôt bien reçue par la communauté internationale et notamment par l’Australie, dont le chef de la diplomatie, Bob Carr, estimait en substance il y a quelques jours qu’il s’agissait d’une évolution « importante » dans la bonne direction.
Son homologue néo-zélandais, Murray McCully, a pour sa part réagi de manière plutôt neutre, alors que le Premier ministre kiwi, John Key, allait plus loin en parlant non seulement de « pas dans la bonne direction », mais aussi de son « optimisme » quant à la tenue d’élections dans les délais annoncés et de la nécessité de faire des « compromis » avec Fidji et son gouvernement actuel, issu du putsch et dirigé par le Contre-amiral Franck Bainimarama.
Du côté du secrétariat général du FIP, l’avis exprimé par le numéro de l’organisation, Feleti Teo, a été clair en début de semaine : le FIP a pris la posture, depuis 2009, d’examiner la situation fidjienne, et éventuellement de réintégrer l’archipel lorsqu’il aura été établi que des progrès jugés crédibles auront été réalisés en matière de retour à la démocratie.
Sur ce terrain-là, l’enregistrement des citoyens sur les listes électorales et la publication récente de la Constitution semblent être considérés comme des leviers pouvant faire basculer une décision en faveur de Suva… Ou alors insuffisants, auquel cas le FIP pourrait décider d’attendre que la date du scrutin se rapproche.
Une mission ministérielle d’observation et de « contact » du FIP avait prévu de se rendre à Fidji avant la tenue de ce 44ème sommet, mais le gouvernement de Suva n’a pas souhaité donné suite, tout en rappelant publiquement, en août 2013, qu’un accord concernant cette venue était au préalable nécessaire.
Dans le même temps, Fidji indiquait que même au cas où il serait invité à réintégrer le Forum (dont le siège d Secrétariat se trouve à Suva), il n’était pas forcément intéressé, allant même jusqu’à exiger, comme condition préalable, que l’Australie et la Nouvelle-Zélande fassent le choix entre leur statut de membre et celui de donateur au sein de cette organisation.
Cette suggestion en reprenait un autre de la part du pouvoir de Suva : celle selon laquelle Canberra et Wellington exercent, depuis longtemps, une influence excessive au sein du PIF.
Les délégations et les grands absents
Cette année, alors que pour le sommet 2012 aux îles Cook, la délégation américaine était menée, sous le signe du « réengagement » avec le Pacifique, par la secrétaire d’État de l’époque, Hillary Clinton, les îles Marshall (qui entretiennent toujours des relations privilégiées avec Washington, en tant qu’ancien site d’essais nucléaires et actuel site de lancement de missiles dans le cadre d’un programme anti-missiles balistiques) espéraient voir celui qui lui a succédé, John Kerry.
C’est finalement la Secrétaire pour l’Intérieur, Sally Jewell, qui a fait le déplacement.
Elle est accompagnée de l’ambassadrice des États-Unis basée à Suva (Fidji), Frankie Reed, mais aussi de hauts-responsables des garde-côtes américains dans la région et de représentants des forces armées dans le Pacifique, pour participer, en fin de semaine au traditionnel dialogue « Post-Forum ».
Kevin Rudd, Premier ministre australien, en pleine dernière ligne droite de campagne électorale (les législatives auront lieu le samedi 7 septembre 2013), n’a pas jugé utile de se déplacer, alors que dans le cadre de sa politique dure de lutte contre l’immigration clandestine à destination de l’Australie, Canberra a fait rouvrir deux camps de détention pour demandeurs d’asile sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) et à Nauru.
L’Australie est représentée par un ancien secrétaire d’État aux affaires du Pacifique, Richard Marles.
La Nouvelle-Zélande est représentée au sommet par son Premier ministre John Key.
Les 15 États membres présents sont : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les îles Cook, les États Fédérés de Micronésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Nauru, Tuvalu, Tonga, Vanuatu, les îles Salomon, les îles Marshall, Kiribati, Samoa, Palau, Fidji n’étant toujours pas autorisé à être représenté au niveau de chef de gouvernement.
La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, sur décision des dirigeants du FIP en 2005, sont depuis considérés comme des « membres associés ».
Wallis-et-Futuna est, depuis cette date, promu observateur.
Lors de la session « post-Forum, les pays et organisations considérés comme partenaires du FIP brossent les grandes lignes de leurs actions à venir en matière d’aide multilatérale au développement.
Ces 14 partenaires post-Forum sont le Canada, la Chine, l’Union Européenne, la France, l’Inde, l’Indonésie, l’Italie, le Japon, la Corée du Sud, la Malaisie, les Philippines, les États-Unis, la Thaïlande et le Royaume-Uni.
Entre autres délégations, celle de la France est menée par l’ambassadeur Hadelin de la Tour du Pin, Secrétaire Permanent pour le Pacifique, qui gère aussi, bon an, mal an, un « Fonds Pacifique » alimenté à hauteur d’environ deux millions d’euros pour chaque exercice.
Font également partie de cette délégation un haut-fonctionnaire de la direction Asie-Océanie du ministère des affaire étrangères ainsi qu’un diplomate attaché à l’ambassade de France à Manille (Philippines, compétente depuis 2006 pour Palau et les États Fédérés de Micronésie)
La délégation du Royaume-Uni est dirigée par le député Hugo Swire, accompagné du Haut-commissaire (ambassadeur) britannique basé à Fidji et désormais chef d’un nouveau concept : le réseau diplomatique des ambassades britanniques dans le Pacifique Sud.
Pour les deux collectivités françaises océaniennes « membres associés’ du FIP, la délégation de la Polynésie française est conduite par son Président Gaston Flosse, celle de la Nouvelle-Calédonie par le Président de son gouvernement collégial, Harold Martin.
Régionalisme et sous-régionalismes : Mélanésie face à Polynésie ?
Face aux critiques de certains, avec en tête Fidji, qui pousse pour le développement d’un nouvel « alter-Forum », le PIDF (Pacific Islands Development Forum), la vieille organisation régionale, fondée en 1971, a entamé, ces derniers mois, un examen de conscience.
Cet examen a pris la forme d’un audit, de la part d’un panel présidé par l’ancien Premier ministre papou Sir Mekere Morauta.
Sir Mekere doit dévoiler cette semaine les grandes lignes de ses recommandations, avec une remise en cause du fameux « Pacific Plan » (Plan Pacifique) adopté en 2006 par les dirigeants du PIF et qui s’articulait autour de plusieurs piliers, comme la bonne gouvernance, la croissance économique, la sécurité et la coopération régionales.
Or, selon les détracteurs de ce plan, ces grands principes n’ont pas trouvé de résonance dans les faits et, de plus, la perception de nombreux océaniens, aussi bien au gouvernement que dans le grand public, est que le PIF semble détaché des préoccupation quotidiennes des insulaires du Pacifique.
En forme de mea culpa, le FIP pourrait tenter de redorer le blason de ce plan en lui insufflant un nouvel élan, plus pragmatique, ou même en le remplaçant tout bonnement par un autre document mettant en avant la notion d’intégration régionale.
Entre-temps, au plan du régionalisme, ce sont plutôt les « sous-régionalismes » qui semblent faire florès.
Outre le PIDF porté par Fidji sur les fonds baptismaux en août 2013, en présence de nombreux représentants de gouvernements ou d’organisations océaniennes (dont Jimmie Rodgers de la CPS), le Groupe Mélanésien Fer de Lance, toujours sous l’impulsion de la présidence fidjienne ces deux dernières années, a lui aussi joué une politique d’ouverture extrarégionale, en acceptant de nouveaux observateurs comme l’Indonésie.
En réponse, ces trois dernières années aussi, les dirigeants polynésiens ont lancé « leur » organisation subrégionale, baptisée « Polynéesian Leaders Group » (PLG).
Ce PLG a tenu sa troisième réunion annuelle le 30 août 2013, à Auckland, réunion au cours de laquelle la Présidence tournante a été passée des îles Cook à la Polynésie française.
Selon Henry Puna, Premier ministre des îles Cook et Président sortant du FIP, toutefois, cette montée en puissance des « sous-régionalismes » ne signifie par forcément un effondrement du Forum.
« Certains, y compris à Washington, ont cette idée selon laquelle la croissance des sous-régionalismes, via le Groupe Mélanésien Fer de Lance, le groupe des dirigeants polynésiens et même maintenant les Micronésiens, lance un signal indiquant un démantèlement lent du Forum. Je ne suis pas d’accord. Leurs positions sont basées sur des suppositions qui ne sont pas correctes. Au contraire, on pourrait dire beaucoup de choses à propos du sous-régionalisme. Cela permet à des groupements ayant des intérêts en commun de traiter de problèmes qui ne sont pas forcément pertinents pour d’autres, et qui peuvent donc être mieux abordés au sein d’un cercle d’amis. Si nous utilisions cette notion de sous-régionalisme pour cultiver une proximité avec nos voisins, alors des solutions peuvent apparaître, des solutions qu’on n’aurait pas pu trouver dans des espaces régionaux plus larges. Donc, le sous-régionalisme, il est là pour longtemps », a-t-il analysé.
Début août 2013, s’exprimant depuis le siège de l’ONU, à l’occasion d’un débat public organisé par le Conseil de Sécurité sur cette question, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a estimé que « Les organisations régionales et sous-régionales doivent renforcer leur coopération pour mieux affronter les défis internationaux ».
Ce débat était particulièrement axé sur la « Coopération entre l'Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales».
« Ces organisations ont une connaissance profonde, un aperçu unique et des réseaux locaux. Ces éléments sont essentiels pour la médiation et la planification d'une opération du maintien de la paix», a souligné M. Ban.
Après la première réunion des dirigeants de petits États insulaires (Smaller Islands States), mardi 3 septembre 2013, le 44ème sommet du FIP devrait être officiellement ouvert le soir même avec, le lendemain, la séance plénière et, jeudi 5 septembre 2013, la traditionnelle « retraite » des dirigeants, en un lieu balnéaire, dans un cadre détendu, informel, où, pourtant, se prennent de nombreuses décisions et positions cruciales.
S’ensuit généralement, dans la foulée, la publication du communiqué final, texte alchimique rassemblant toutes les prises de position du FIP sur des dossiers allant de l’environnement aux postures politiques en passant par d’éventuels changements de statut et le lieu du sommet suivant.
Enfin, vendredi 6 septembre aura lieu le non moins traditionnel « dialogue post-Forum », en mode multilatéral, enchaînant les sessions entre cette organisation régionale et les États ou organisations partenaires.
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