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Deuxième câble sous-marin : quel intérêt ?

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Deuxième câble sous-marin : quel intérêt ?
PAPEETE, le 11 juin 2014 - Tout s’est bien passé et plus vite que prévu, mais la réparation de Honotua relance la discussion sur l’opportunité d’installer un deuxième câble de fibre optique reliant le Fenua au reste du monde. Un projet à 12 milliards de francs minimum.

Un seul câble vous manque et le tout le Net est dépeuplé. Telle est la conclusion inévitable que l’on tire de l’opération de maintenance effectuée sur Honotua fin mai. Grâce à des conditions météos idéales, les opérations ont été expédiées en une trentaine d’heures, mais pendant ce temps plus de vidéos ou de téléchargement sur Internet, des e-mails et des réseaux sociaux presque à l’arrêt, des files d’attentes interminables dans toutes les entreprises qui ont besoin d’Internet (comme les agences de voyage) et même une suspension de certains services administratifs comme l’établissement de passeports.

Un arrêt plus long aurait pu fortement perturber les services de douanes et notre tourisme, voire l’activité économique dans son ensemble. Hors, une ancre mal placée, un pêcheur imprudent ou – apparemment – une simple chute de pierre peuvent à tout moment couper notre ligne vitale vers le Net mondial. La question d’une sécurisation de cet accès est donc pressante.

Des investissements en milliards de francs

Le satellite coûte cher et est de toute façon inadapté aux besoins de débits de plus en plus importants de la population et des entreprises. La seule solution fiable serait l’installation d’un nouveau câble sous-marin tirant une nouvelle fibre optique jusqu’à la civilisation. Mais ça coûterait très cher. Par exemple relier Tahiti à Nouméa, en s’arrêtant par 6 îles, coûterait environ 19 milliards Fcfp.

Les 6 îles qui pourraient être reliées à ce nouveau câble incluraient les îles Cook, Niue ou Wallis et Futuna qui n’ont pas encore de fibre, les Samoa dont l’infrastructure est sur le déclin, Tonga qui comme nous aurait besoin d’une ligne de secours et bien sûr Nouméa, dans le même cas, qui pourrait ainsi sécuriser son propre câble Gondwana via notre connexion à Hawaï. Ces territoires pourraient financer directement le câble ou louer son utilisation, assurant un revenu de long terme.

Poser un câble qui nous relierait directement à Fidji, le hub de facto du Pacifique Sud, et du coup à l’autoroute numérique qui part de Sydney et finit en Californie, serait moins cher à 12 milliards Fcfp. Mais sans aucun arrêt sur la route, il ne servirait qu’à la Polynésie française et serait difficile à rentabiliser. Fidji, placé stratégiquement entre l’Australie et Hawaï, est déjà relié au câble Southern Cross. Peu lui importe d’avoir une connexion de secours vers Hawaï via Tahiti. Les revenus internationaux à tirer de ce scénario sont nuls, mais c’est celui qui assurerait le meilleur service aux utilisateurs polynésiens.

Mais un autre projet pourrait être à l’équilibre rapidement, et même plus encore. Car la dernière solution, celle qui semble le plus intéresser notre gouvernement, serait de tirer un câble de Tahiti au Chili, en s’arrêtant par l’Île de Pâques. Le coût de ce projet : un petit 14 milliards de francs, avec des frais en plus pour chaque bretelle que l’on voudrait ajouter pour relier les Tuamotu ou les Gambier. Mais il offrirait l’avantage d’ouvrir un nouvel accès pour l’Amérique du Sud, et des opérateurs latinos pourraient du coup nous louer un accès à cette ligne.

Comment rentabiliser ce câble ?

Car c’est là que le modèle économique se trouve. Un opérateur étranger qui voudrait se servir de nos câbles pour se relier à Los Angeles ou à l’Asie par une voie alternative à celle des câbles existants pourrait nous louer l’accès à notre fibre. Le prix d’un tel service lorsque le câble sera posé : environ 10 000 dollars par mois pour 10 Gb/s pour la traversée complète du Pacifique (même si ce prix diminue régulièrement et devrait tomber à 5000 dollars par mois dans 10 ans).

Sachant que Honotua peut être « upgradé » à 30 x 100 Gb/s (pour l’instant il est à un petit 20 Gb/s), créer une nouvelle ligne trans-Pacifique pourrait générer plusieurs dizaines de millions de dollars par an, à partager avec les opérateurs des autres tronçons qui terminent le voyage jusqu’aux Etats-Unis ou la Chine. Avec un bon remplissage, c’est le trafic international qui rembourserait le câble et non les seuls internautes polynésiens…

Mais il y a bien sûr plusieurs inconvénients. La destination finale de la majorité du trafic Web reste la Californie : faire un détour par le Chili diminue la rapidité de nos échanges et multiplie les intermédiaires et les coûts. Surtout, pour générer des revenus avec ce nouveau câble il faut trouver les partenaires à qui louer le passage, et l’OPT n’est certes pas spécialisée dans ce genre d’opérations commerciales internationales.

Trouver des partenaires internationaux

La meilleure solution : trouver un associé privé sud-américain, asiatique ou Australien qui pourrait cofinancer le câble et le remplir avec ses contenus et ceux d’autres opérateurs de sa région. Les pays sud-américains en particulier sont pour l’instant dépendants du hub californien pour leur connexion à l’Asie, une situation politiquement inconfortable et onéreuse techniquement.

Malgré les difficultés, l’explosion des consommations numériques est un atout dans ce genre de projets : le trafic augmente de 40% chaque année sur les lignes trans-Pacifique actuelles et devrait atteindre 73 000 Gb/s en 2020. Largement de quoi remplir un tuyau d’à peine 3000 Gb/s…


Trois solutions pour un deuxième câble (estimations confidentielles provenant de l’industrie) :
- Tahiti – Nouméa (en reliant 6 autres îles) : 160 millions d’euros
- Tahiti – Valparaiso au Chili (arrêt à l’Île de Pâques) : 120 millions d’euros
- Tahiti – Fidji : 100 millions d’euros

Les deux corridors du Pacifique
- Le corridor Asie / Californie est le plus important du Pacifique. Il compte déjà 9 câbles et de gros investissements chinois déjà signés vont en rajouter au moins deux dans l’année qui vient.
- Le corridor Australie / Californie est composé des deux câbles qui composent Southern Cross (90% du trafic australien vers les Etats-Unis), possédé à 50,1% par le petit opérateur néo-zélandais TNZ.

Un investissement très rentable
L’entreprise néo-zélandaise TNZ a investi 57 milliards Fcfp dans les câbles Southern Cross en 2000, qui relient l’Australie à la Californie en passant par Fidji et Hawaï. TNZ possède la moitié de cette infrastructure, ce qui s’est révélé être un très bel investissement : la holding Southern Cross Cables Limited verse une dizaine de milliards de francs cfp de dividendes à TNZ chaque année depuis 2001.
Depuis 2012, des mises à jour techniques successives ont multiplié la capacité du câble, qui est passé de 10 Gb/s en 2011 à 500 Gb/s en 2014. Le câble restera fonctionnel jusqu’à 2025.


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