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La tradition de l’huile qui éveille les sens

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Très impliqué dans sa commune, mais aussi dans la culture, Robert Peretia fait partie de la chorale de Papara, il est membre du Comité des Sages et il a été membre du Jury du festival du Heiva 2013. La spécialité de RobertPeretia, c’est la préparation traditionnelle du monoï, un savoir inculqué par ses grands parents et ses parents, et qu’il transmet à sa petite fille de 5 ans, aujourd’hui. La passion qu’il met à l’ouvrage ne compte pas les heures. Rencontre avec un homme enraciné dans sa culture qui a accepté de partager un peu de son savoir avec nous.
La tradition de l’huile qui éveille les sens
Le monoï : La coutume ancestrale accordait une puissante symbolique à cette huile qui éveille les sens, on l’utilisait à la naissance lorsqu’on baignait le nouveau né au monoï dans un umete, et à la mort, pour l’embaumement, afin d’assouplir la peau du défunt. L’importance accordée au parfum de cette huile montre combien la culture polynésienne est une culture des sens. Par l’odorat, on purifie, on chasse le mal ou on séduit.

Ainsi, le monoï n’était pas utilisé uniquement pour les êtres humains, mais aussi sur les ti’i, totems ou images d’esprits. Teuira Henry rapporte dans « Tahiti aux temps anciens » le rite de certains sorciers, les FEIA TAHUTAHU ou OROU : « De temps à autre les ti’i étaient baignés, placés au soleil et oints d’huile parfumée ; ils avaient toujours des vêtements neufs et de choix, tandis que les Dieux de plumes ne recevaient jamais ce genre de soins. » (p.212). Le Tahu’a, prêtre, même s’il arrivait qu’il vive en famille, avait sa demeure en aparté, décrite également par Teuira Henry : au dessus de sa couche, il avait installé des étagères sur lesquelles reposaient ses ti’i, qu’il chérissait soigneusement ; il les frottait régulièrement avec de l’huile parfumée, le monoï… Aussi, la préparation traditionnelle du monoï s’est transmise de génération en génération dans certaines familles. Aujourd’hui à Papara, Robert Peretia perpétue la gestuelle de ses aïeux.

ROBERT PERETIA, initié à la préparation du monoï dès son enfance

« Je suis Polynésien, je suis un ancien de l’armée, j’habite au PK 38 côté montagne. A l’âge de 12 ans, j’ai été initié à la préparation du monoï par mes grands parents, ensuite par mes parents. Ce n’était pas très marrant pour moi, parce que j’étais consigné à la maison : Il fallait que je râpe le coco, que j’aille cueillir les fleurs. J’aurais préféré aller surfer avec mes copains, c’est sûr. Tous les week-ends on me disait ‘Tu restes à la maison, tu vas râper le coco !’, alors je m’étais dit ‘Jamais je ne ferai ça quand je serai grand !’. Quand je suis parti à l’armée, ça a changé. Avec le froid, j’avais besoin de monoï, j’appelais mon père ‘Envoie-moi du monoï’, là j’ai pesé l’importance de cette huile. En revenant sur le Fenua, j’ai fait ma vie, je suis resté avec une femme, on a eu des enfants et là j’ai vu qu’on avait besoin de monoï, j’ai décidé de le faire moi même. Je l’ai préparé que pour ma petite famille. Après on est venu me voir ‘Tu devrais vendre ton monoï’ et je me suis dit, pourquoi pas… Aujourd’hui, ma petite fille m’accompagne. Parfois je vais expliquer la procédure à l’école, elle sait comment faire, alors elle râpe le coco devant ses camarades, elle n’a que 5 ans, mais à 3 ans, elle m’accompagnait déjà pour cueillir les fleurs… »

Le monoï à la naissance, à la mort.

« Quand un nouveau né arrive au monde, on met du monoï dans son bain, on l’utilise pour le massage… Nos ancêtres l’utilisaient pour embaumer les morts. De nos jours, ses vertus sont reconnues pour le corps, les cheveux, la santé… »

Le temps de préparation dépend de l’humeur de la Nature

« On ne peut pas vraiment calculer le temps de préparation ; ça dépend vraiment s’il y a des cocos germés, s’il y a assez de soleil pendant assez longtemps, pareil pour les fleurs de tiare. Le soir on va ramasser les bernards-l’hermite. Il n’y a pas de saisons pour préparer le monoï, on doit en avoir à tout moment dans la famille, il se conserve indéfiniment, le plus vieux il est, le meilleur c’est. »

Le geste, dans la préparation, est très important. La machine ne vaut pas l’effort physique et la satisfaction qui en ressort.

« Je prends toujours 50 cocos germés, beaucoup de fleurs, et les bernards-l’hermite. J’utilise la râpe à coco, je préfère ça à la machine électrique. Au moins comme ça, tu sens que tu es en train de faire quelque chose, ton énergie, tes gestes, c’est très important dans la préparation. Je ne peux pas t’expliquer pourquoi, c’est comme ça. Tu sais que tu fais quelque chose de bien, quand tu le fais toi-même plutôt qu’avec une machine. J’ai une technique bien à moi pour râper le coco, tout le monde ne râpe pas le coco de la même façon »

Le moment du râpage est propice à l’échange, Robert parle de sa commune, Papara, de Tati Salmon et de Opuhara le dernier guerrier, il parle de légendes, et de l’histoire de ce vieil homme qui voulait toujours voyager et qui s’est endormi face à la mer, « son esprit a fait le tour du monde », dit Robert, et tout en râpant le coco, puis il me propose du UTO, le coco fermenté...

« Après avoir râpé le coco, on intègre l’abdomen du EUA, le bernard-l’hermite … on les a ramassés la veille. Pour le faire sortir de sa coquille, il faut siffler, ça lui rappelle le vent. Il me faut 4 grands EUA… le EUA aime bien manger le coco, il arrive à pincer et manger le coco… L’abdomen du bernard-l’hermite accélère la fermentation du coco. »

Ensuite il mélange le coco râpé et l’abdomen vidé du EUA, jusqu’à ce que le blanc du coco devienne légèrement brun. Puis, on passe aux fleurs : Ce ne sont pas les pétales du tiare qui sont le plus odorants, mais les tiges à l’intérieur qui contiennent le pollen. Il faut les casser et les mélanger, avec les pétales, le coco râpé, le EUA.

« L’essentiel pour le monoï, c’est d’avoir l’huile, il faut éviter de mélanger les parfums comme la fleur de tiare ou la vanille... On met beaucoup de tiare… Ces jours ci il fait froid, mais l’important c’est d’avoir du soleil. Il faut attendre au moins deux jours. Si tu prépares le monoï, il ne faut pas partir à Papeete ! Imagine un peu, s’il pleut, si l’eau entre dedans, c’est foutu… »

Robert place le récipient de façon oblique pour que l’huile suinte et coule de la macération.

« On récupère l’huile petit à petit, mais on ne peut pas calculer l’huile qu’on va récolter. On continue pendant deux semaines, on rajoute aussi du lait de coco et beaucoup de fleurs. »

Ensuite, Robert remplit ses bouteilles en verre et il les entrepose : Plus le monoï repose, plus il est vertueux, il le laisse reposer de préférence six mois à un an. Pour distinguer le monoï traditionnel du monoï falsifié auquel on aurait rajouté de l’huile, il suffit de regarder le fond de la bouteille, il y a toujours un dépôt de l’autre huile. Robert Peretia a toujours du monoï à portée de main pour sa petite famille, mais il en vend aussi, il a participé à l’événement « La route du Monoï » ( http://www.monoiaddict.com/#/Route ).
Tout comme pour ses aïeux avant lui, le monoï est aussi particulier et essentiel que tout autre élément nécessaire à la vie.

Album photo complet : http://www.ariirau.com/album-2174417.html


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