PAPEETE, 15 mai 2014 - Historien, chercheur associé à l’Université de la Polynésie française, Jean-Marc Régnault est l’auteur de "L’ONU, la France et les décolonisations tardives", publié en mai 2013. Il nous offre un éclairage sur les enjeux du processus de décolonisation de la Polynésie française, initié le 17 mai 2013 avec la réinscription de la collectivité sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU, et sur sa dimension politique dans le débat local actuel et futur.
Quel est l’enjeu politique du processus qui fait suite à la Réinscription ?
Jean-Marc Régnault : Notre référence devrait être la Nouvelle Calédonie, même si les problèmes ne se posent pas de manière identique, ni historiquement ni actuellement. Nous avons au moins un point commun : la Calédonie comme la Polynésie ont été des territoires colonisés. Là-bas, tout le monde admet cette idée. Et même la droite loyaliste continue à dire : « nous sommes sur le chemin de la décolonisation ». Et pour eux la décolonisation ce sera lorsque la quasi-totalité des compétences sera versée au territoire. Là-bas, on accepte de mettre des mots devant des réalités : on considère que la prise de possession a entrainé des clivages dans la société, des inadaptations du système éducatif, un système économique qui ne correspond pas à la réalité régionale (…).
Pour l’ONU, lorsqu’on est un territoire qui se trouve aux antipodes de l’Etat auquel il est rattaché, c’est une situation coloniale de fait ; à partir du moment où il y a une présence militaire, où l’économie ne profite pas aux plus autochtones des habitants, on est de fait dans une situation coloniale ou sa conséquence.
Donc l’enjeu de ce processus est de faire admettre à la communauté internationale et à la France, qu’il y a des réformes importantes à mettre en œuvre pour parvenir à la décolonisation. Mais attention, dans l’esprit de l’ONU la décolonisation n’a jamais signifié l’indépendance.
Pour la Nouvelle-Calédonie, la France a admis ce principe alors qu’elle ne l’admet que très modérément pour la Polynésie.
Ces enjeux conservent-ils toute leur pertinence à l'heure de la mondialisation des échanges et de la communication ?
Jean-Marc Régnault : Ce que j’ai voulu expliquer au travers de mon livre c’est la manière dont sont perçus ces enjeux par l’ONU, par la France et par les différents camps politiques de la Polynésie.
Pour simplifier, venons-en à la façon dont les responsables politiques en Polynésie voient la question. J’insiste beaucoup sur le fait qu’ils voient cela à travers un prisme qui est mauvais : ils ne connaissent pas les critères ni la démarche, ou alors ils font semblant. Pour l’instant chacun tente de montrer que l’enjeu est l’indépendance ou l’autonomie. Il s’agit d’une démarche politicienne. Mais inévitablement un jour l’enjeu deviendra politique au sens propre du terme. Je suis persuadé que même les autonomistes vont s’emparer de cela. Quand j’entends Teva Rohfritsch porter des accusations assez graves contre l’Etat à propos de Moruroa et de la loi Morin, je me dis qu’il y a un consensus qui est en train de se faire dans la classe politique pour contrecarrer l’Etat sur les conséquences du nucléaire. Et même du côté du Tahoera’a, avec des nuances, on observe depuis quelques années une nouvelle attitude à l’égard de cette question. La reconnaissance du fait nucléaire est un des gros enjeux du processus de décolonisation. Il en va de même pour le statut d’autonomie. L’ONU a tendance à considérer que ce n’est pas un vrai statut d’autonomie. Les autonomistes peuvent très bien se saisir un jour des contraintes que présente ce statut. Lorsque Flosse et Temaru s’étaient entendus en 2007 et que les indépendantistes avaient demandé à Gaston Flosse de soutenir la démarche pour la réinscription, il avait dit : « si c’est pour l’indépendance, c’est non ; si c’est pour parler plus fort à la France, c’est oui ». On doit s’attendre à ce qu’un jour ou l’autre, un consensus s’établisse pour demander à la France davantage de compétences. C’est inévitable.
Quel est l’enjeu politique du processus qui fait suite à la Réinscription ?
Jean-Marc Régnault : Notre référence devrait être la Nouvelle Calédonie, même si les problèmes ne se posent pas de manière identique, ni historiquement ni actuellement. Nous avons au moins un point commun : la Calédonie comme la Polynésie ont été des territoires colonisés. Là-bas, tout le monde admet cette idée. Et même la droite loyaliste continue à dire : « nous sommes sur le chemin de la décolonisation ». Et pour eux la décolonisation ce sera lorsque la quasi-totalité des compétences sera versée au territoire. Là-bas, on accepte de mettre des mots devant des réalités : on considère que la prise de possession a entrainé des clivages dans la société, des inadaptations du système éducatif, un système économique qui ne correspond pas à la réalité régionale (…).
Pour l’ONU, lorsqu’on est un territoire qui se trouve aux antipodes de l’Etat auquel il est rattaché, c’est une situation coloniale de fait ; à partir du moment où il y a une présence militaire, où l’économie ne profite pas aux plus autochtones des habitants, on est de fait dans une situation coloniale ou sa conséquence.
Donc l’enjeu de ce processus est de faire admettre à la communauté internationale et à la France, qu’il y a des réformes importantes à mettre en œuvre pour parvenir à la décolonisation. Mais attention, dans l’esprit de l’ONU la décolonisation n’a jamais signifié l’indépendance.
Pour la Nouvelle-Calédonie, la France a admis ce principe alors qu’elle ne l’admet que très modérément pour la Polynésie.
Ces enjeux conservent-ils toute leur pertinence à l'heure de la mondialisation des échanges et de la communication ?
Jean-Marc Régnault : Ce que j’ai voulu expliquer au travers de mon livre c’est la manière dont sont perçus ces enjeux par l’ONU, par la France et par les différents camps politiques de la Polynésie.
Pour simplifier, venons-en à la façon dont les responsables politiques en Polynésie voient la question. J’insiste beaucoup sur le fait qu’ils voient cela à travers un prisme qui est mauvais : ils ne connaissent pas les critères ni la démarche, ou alors ils font semblant. Pour l’instant chacun tente de montrer que l’enjeu est l’indépendance ou l’autonomie. Il s’agit d’une démarche politicienne. Mais inévitablement un jour l’enjeu deviendra politique au sens propre du terme. Je suis persuadé que même les autonomistes vont s’emparer de cela. Quand j’entends Teva Rohfritsch porter des accusations assez graves contre l’Etat à propos de Moruroa et de la loi Morin, je me dis qu’il y a un consensus qui est en train de se faire dans la classe politique pour contrecarrer l’Etat sur les conséquences du nucléaire. Et même du côté du Tahoera’a, avec des nuances, on observe depuis quelques années une nouvelle attitude à l’égard de cette question. La reconnaissance du fait nucléaire est un des gros enjeux du processus de décolonisation. Il en va de même pour le statut d’autonomie. L’ONU a tendance à considérer que ce n’est pas un vrai statut d’autonomie. Les autonomistes peuvent très bien se saisir un jour des contraintes que présente ce statut. Lorsque Flosse et Temaru s’étaient entendus en 2007 et que les indépendantistes avaient demandé à Gaston Flosse de soutenir la démarche pour la réinscription, il avait dit : « si c’est pour l’indépendance, c’est non ; si c’est pour parler plus fort à la France, c’est oui ». On doit s’attendre à ce qu’un jour ou l’autre, un consensus s’établisse pour demander à la France davantage de compétences. C’est inévitable.
CHRONOLOGIE DE LA REINSCRIPTION
18 août 2011
Les élus de l’Assemblée de Polynésie française adoptent par 30 voix une résolution pour demander la réinscription de la Polynésie sur la liste des pays non-autonomes de l'ONU.
12 septembre 2011
Le sénateur Richard Tuheiava part à New-York pour assister à la 66ème session de l'assemblée générale des Nations-Unies. Il tentera d'inscrire à l'ordre du jour la réinscription de la Polynésie française.
31 janvier 2012
Le tribunal administratif étudie un recours déposé par Gaston Tong Sang (To Tatou ai’a), René Temeharo (Tahoeraa Huiraatira) et Jean-Christophe Bouissou (Ia Ora Te Fenua) contre la résolution votée le 18 août 2011 à l’Assemblée de Polynésie française, demandant la réinscription. La requête est rejetée.
21 avril 2012
Oscar Temaru fait distribuer durant deux jours dans les rues de Tahiti une lettre, dans laquelle il demande à la population de soutenir la réinscription.
11 janvier 2013
Oscar Temaru accompagné notamment du sénateur Richard Tuheiava est en déplacement à New York pour plaider la cause de la réinscription de la Polynésie. En raison de ce déplacement il ne peut pas accueillir le ministre des outremer Victorin Lurel en visite en Polynésie.
8 février 2013
Le texte du projet de résolution L56 a été déposé à l'ONU. Les trois pays qui ont sponsorisé le projet sont les Tuvalu, l'état insulaire de Nauru et les îles Salomon, trois communautés du Pacifique sud.
26 février 2013
Premier examen de passage pour le projet de résolution, sous le nom de code onusien A/67/L.56. Il s’agit d’une discussion préalable, à huis clos.
9 mars 2013
A 44 jours du premier tour des élections territoriales, un rassemblement des partis souverainistes Union pour la démocratie (UPLD) a mobilisé prés de 2 500 personnes lors d’une marche dans les rues de Papeete.
14 mai 2013
Le journal de l’ONU indique que Le projet de résolution A/67/L.56 Rev 1 est à l’ordre du jour d’une réunion plénière de l’assemblée générale des Nations Unies programmée pour le vendredi 17 mai.
15 mai 2013
Gaston Flosse, le vainqueur des élections territoriales en Polynésie française a demandé au président de l'Assemblée générale de l'ONU de repousser le vote prévu le vendredi 17 mai.
16 mai 2013
• La France annonce à New York qu’elle ne prendra pas part au vote prévu à l'ONU. "La France se dissocie de cette démarche engagée par trois Etats membres et ne participera pas à l'examen du projet de résolution", indique une note adressée aux autres pays membres. "Le droit à l'autodétermination ne peut s'exercer contre la volonté des populations concernées".
• A Papeete La nouvelle majorité territoriale de l’Assemblée de Polynésie a formulé dans l'urgence, un vœu, adopté par 46 voix, pour faire part aux Nations Unies de son opposition à cette procédure de réinscription.
17 mai 2013
• Juste avant de rendre les clés de la Présidence de Polynésie, Oscar Temaru fait procéder à une cérémonie de levée du drapeau des Nations Unies sur le bâtiment de la Présidence, après l’adoption de la résolution à l’ONU pour la réinscription de la Polynésie française sur la liste des pays non autonomes.
• Deux heures plus tard, au sein de l’Assemblée territoriale, Gaston Flosse est élu nouveau président de la Polynésie française.
30 mai 2013
Les représentants de l'Assemblée de Polynésie française ont approuvé par 46 voix la résolution présentée par le Tahoeraa pour demander au gouvernement français l'organisation d'un scrutin référendaire sur la question de l'autodétermination.
Les élus de l’Assemblée de Polynésie française adoptent par 30 voix une résolution pour demander la réinscription de la Polynésie sur la liste des pays non-autonomes de l'ONU.
12 septembre 2011
Le sénateur Richard Tuheiava part à New-York pour assister à la 66ème session de l'assemblée générale des Nations-Unies. Il tentera d'inscrire à l'ordre du jour la réinscription de la Polynésie française.
31 janvier 2012
Le tribunal administratif étudie un recours déposé par Gaston Tong Sang (To Tatou ai’a), René Temeharo (Tahoeraa Huiraatira) et Jean-Christophe Bouissou (Ia Ora Te Fenua) contre la résolution votée le 18 août 2011 à l’Assemblée de Polynésie française, demandant la réinscription. La requête est rejetée.
21 avril 2012
Oscar Temaru fait distribuer durant deux jours dans les rues de Tahiti une lettre, dans laquelle il demande à la population de soutenir la réinscription.
11 janvier 2013
Oscar Temaru accompagné notamment du sénateur Richard Tuheiava est en déplacement à New York pour plaider la cause de la réinscription de la Polynésie. En raison de ce déplacement il ne peut pas accueillir le ministre des outremer Victorin Lurel en visite en Polynésie.
8 février 2013
Le texte du projet de résolution L56 a été déposé à l'ONU. Les trois pays qui ont sponsorisé le projet sont les Tuvalu, l'état insulaire de Nauru et les îles Salomon, trois communautés du Pacifique sud.
26 février 2013
Premier examen de passage pour le projet de résolution, sous le nom de code onusien A/67/L.56. Il s’agit d’une discussion préalable, à huis clos.
9 mars 2013
A 44 jours du premier tour des élections territoriales, un rassemblement des partis souverainistes Union pour la démocratie (UPLD) a mobilisé prés de 2 500 personnes lors d’une marche dans les rues de Papeete.
14 mai 2013
Le journal de l’ONU indique que Le projet de résolution A/67/L.56 Rev 1 est à l’ordre du jour d’une réunion plénière de l’assemblée générale des Nations Unies programmée pour le vendredi 17 mai.
15 mai 2013
Gaston Flosse, le vainqueur des élections territoriales en Polynésie française a demandé au président de l'Assemblée générale de l'ONU de repousser le vote prévu le vendredi 17 mai.
16 mai 2013
• La France annonce à New York qu’elle ne prendra pas part au vote prévu à l'ONU. "La France se dissocie de cette démarche engagée par trois Etats membres et ne participera pas à l'examen du projet de résolution", indique une note adressée aux autres pays membres. "Le droit à l'autodétermination ne peut s'exercer contre la volonté des populations concernées".
• A Papeete La nouvelle majorité territoriale de l’Assemblée de Polynésie a formulé dans l'urgence, un vœu, adopté par 46 voix, pour faire part aux Nations Unies de son opposition à cette procédure de réinscription.
17 mai 2013
• Juste avant de rendre les clés de la Présidence de Polynésie, Oscar Temaru fait procéder à une cérémonie de levée du drapeau des Nations Unies sur le bâtiment de la Présidence, après l’adoption de la résolution à l’ONU pour la réinscription de la Polynésie française sur la liste des pays non autonomes.
• Deux heures plus tard, au sein de l’Assemblée territoriale, Gaston Flosse est élu nouveau président de la Polynésie française.
30 mai 2013
Les représentants de l'Assemblée de Polynésie française ont approuvé par 46 voix la résolution présentée par le Tahoeraa pour demander au gouvernement français l'organisation d'un scrutin référendaire sur la question de l'autodétermination.
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