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Discours du Ministre des Outre-mer Victorin Lurel devant l'Assemblée de Polynésie française

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Discours du Ministre des Outre-mer Victorin Lurel devant l'Assemblée de Polynésie française
Vendredi 29 novembre 2013 - Dernière journée d'une visite officielle de trois jours en Polynésie française, le ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, s'est exprimé en ouverture de la séance solennelle qui s'est tenue dans la matinée. Discours solennel prononcé à l'attention des élus polynésiens, des invités institutionnels et des représentants de la société civile. Comme annoncé les onze représentants de l'opposition souverainiste étaient absents.

Discours de M. Victorin LUREL, Ministre des Outre-mer, prononcé à l’Assemblée à la Polynésie française


Monsieur le président de l’Assemblée de Polynésie française, M. Edouard FRITCH,
Monsieur le président du gouvernement de Polynésie française, M. Gaston FLOSSE,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les membres de l’Assemblée de Polynésie française,
Mesdames et messieurs les journalistes, qui me permettez de m’exprimer par delà ces murs,
Mesdames et messieurs,
Chers amis de Polynésie française,
A vous toutes et à vous tous,

Je souhaite vous faire part en premier lieu de l’émotion et de la joie qui sont les miennes d’être devant vous aujourd’hui.
Notre première rencontre, ici, chez vous, avait été, malheureusement écourtée par un événement douloureux. Je viens ici, aujourd’hui, respecter pleinement l’engagement que j’avais pris : venir sentir battre le cœur, le pouls de tous les outre-mer, de leurs institutions, de leurs hommes et femmes. Et singulièrement de la Polynésie française.
La Polynésie française vient de vivre un moment politique important, parfois tendu. Je ne sous-estime pas les tensions qu’il a pu laisser croître. C’est le jeu normal de la démocratie, le charme et la vigueur du combat, l’ivresse de la victoire, l’amertume de la défaite, ici comme partout ailleurs.

Mais il n’est jamais bon, j’ai eu à le dire et je le répète ici, que l’amertume de la défaite dure trop longtemps, ni qu’elle s’exprime de façon permanente, virulente et, parfois, inappropriée.
Il doit y avoir un temps pour tout.
Un temps pour la compétition électorale.
Un temps pour l’apaisement.
Mais une fois que le peuple a parlé, je demeure persuadé qu’il peut et qu’il doit y avoir un temps pour travailler sereinement, chacun dans son rôle, les uns aux responsabilités et les autres dans une opposition qui peut être responsable et constructive.
C’est cela une démocratie apaisée où l’affrontement électoral n’est pas la division, où l’affrontement électoral n’empêche pas une capacité d’unité autour d’un intérêt supérieur du Pays à même de dépasser – et de transcender même ! – les clivages partisans. Et, si chacun y pense, au-delà des postures, il me semble que cela a été possible, ici, dans un passé pas si lointain…

Je suis en tout cas venu vous apporter un message clair, qui est la base même de mon engagement politique, que j’ai eu l’occasion de développer dans les autres outre-mer, mais qui trouve ici une résonance particulière : l’Etat est de retour.

C’est le mandat que m’a confié le Président de la République, c’est la feuille de route que m’a fixée le Premier Ministre, c’est la conviction qui m’anime comme ministre.
Que l’on ne se méprenne pas, il ne s’agit pas d’un Etat qui serait néocolonial, passéiste, figé dans des schémas dépassés, qui chercherait à imposer ses vues à une collectivité aussi autonome que la Polynésie française.
Je ne me sens pas non plus dans la posture d’un père Noël ou d’un « papa Noera » comme l’on dit ici, même si l’image m’a fait sourire, même si elle se réfère très certainement à une attitude d’abord bienveillante, et même si la période peut s’y prêter.
Je ne voudrais pas prendre le risque de voir l’action de l’Etat mal comprise, caricaturée d’une quelconque façon.
Non ! Après des années d’errements, de décisions qui ont pu vous laisser croire que la France, que l’Etat, que la communauté nationale se désintéressaient de la Polynésie, il s’agit du retour d’un Etat impartial mais actif sur un territoire majeur et autonome.
D’un Etat qui, enfin, est prêt à accompagner la Polynésie et tous nos compatriotes dans le chemin de son développement, hier comme aujourd’hui, mais qui, aussi, entend mettre en œuvre, dans un partenariat respectueux et équilibré, tous les outils et toutes les compétences qu’il détient encore pour contribuer à ce développement.

Car ce qui est en jeu, ce n’est pas un quelconque rapport de force à instaurer entre l’Etat et la Polynésie française, mais plutôt l’application pleine et entière des principes qui fondent notre communauté nationale, qui fondent le pacte républicain :
- Nos compatriotes polynésiens, comme tous leurs compatriotes des Outre-mer et de l’Hexagone, ont leur part à prendre dans l’effort, parfois douloureux, de rétablissement de la France ;
- Mais nos compatriotes polynésiens, comme tous leurs compatriotes des Outre-mer et de l’Hexagone, ont droit à l’attention de l’Etat et à la solidarité nationale
C’est cette assurance que je tiens à vous délivrer aujourd’hui : vous n’êtes pas des Français de seconde zone, oubliés parce qu’à l’autre bout de la terre.
Votre collectivité, la Polynésie française, ne souffrira pas d’un régime de défaveur.

Comme les autres outre-mer, la Polynésie est confrontée à des difficultés pérennes qui tiennent à sa géographie, à ses structures économiques et au temps présent – la crise économique qui n’est pas seulement française ou européenne, mais qui est mondiale.
A ce titre, comme tous les autres outre-mer, elle a droit à l’attention spéciale de la République dans la résolution de ces difficultés.
Car celles-ci appellent des solutions innovantes, différenciées, et le Gouvernement que je représente aujourd’hui en est bien conscient, j’y reviendrai.
C’est empreint de cette responsabilité que je m’adresse à vous aujourd’hui.

L’action de l’Etat s’inscrit sous trois angles :
Premièrement, renforcer ou rétablir les liens avec la Polynésie avec ses institutions, son Gouvernement, ses assemblées et ses communes ;
Deuxièmement, aider à restaurer une confiance qui a été affectée depuis trop longtemps. Le Gouvernement, et moi plus particulièrement qui suis un élu local, qui plus est des Outre-mer, a le plus grand respect pour le suffrage universel et n’entend pas, comme cela a pu être le cas par le passé, régler son action et ses principes en fonction de ses affinités ou hostilités électives.
En effet, et c’est mon troisième point, le Gouvernement entend appuyer la Polynésie française, l’accompagner dans ses projets, lui apporter, quand cela s’avère nécessaire, l’expertise de l’Etat, comme il l’a fait depuis l’été 2012.

Par leur choix démocratique exprimé à l’occasion des élections territoriales, les Polynésiens ont rappelé aussi leur attachement à la République, mais je n’ai jamais douté que cet attachement, partagé par une grande partie de la société civile polynésienne, était demeuré particulièrement fort.
Cet attachement oblige l’Etat, et la politique qu’il mène a un seul objectif : ne pas décevoir la confiance de nos compatriotes polynésiens, dans le respect de leur diversité et des compétences de leurs institutions.

En 2012, les dépenses de l’Etat pour la Polynésie française se sont élevées à 173 milliards de francs (1,443 milliard d’euros).
Et, depuis 18 mois, l’Etat a beaucoup fait, dans le contexte difficile, dois-je le rappeler, qui est celui de nos finances publiques.
Aujourd’hui encore, il y a une situation urgente à traiter. Mais il y a aussi une vision à long terme à développer.
Vous penserez bien sûr à l’avance de trésorerie remboursable de près de 5 milliards de francs (42 millions d’euros).
Une avance décidée par le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT pour aider le territoire à faire face aux difficultés auxquelles il est confronté, mais aussi pour créer les conditions de réussite du redressement structurel des finances publiques du pays, dont cette assemblée et le Gouvernement polynésien ont désormais la responsabilité. Il reste encore des modalités à régler. Mais, je vous le dis : l’offre de l’Etat est intacte.

C’est tout le sens des partenariats financiers que nous avons signés avec le Pays, dès mon arrivée mercredi.
La prolongation d’un an du contrat de projet comporte pour 2014 des moyens accrus par rapport aux exercices précédents (+25 millions d’euros, soit 10% de plus qu’en 2013). Des moyens qui seront affectés en priorité au logement social avant d’engager une nouvelle réflexion pour la génération de contrat à venir.
La convention relative au 3e instrument financier représente quant à elle 51,3 millions d’euros engagés par an pour soutenir les investissements prioritaires, avec des améliorations significatives.

Ces deux engagements forts de l’Etat sont des engagements concrets qui s’inscrivent, je le redis, dans un accompagnement durable.
Ces décisions, intervenues sous deux gouvernements polynésiens différents, sont aussi le témoignage de ce que je vous indiquais à l’instant : peu importe la couleur du Gouvernement de la Polynésie française, seul compte le respect de la démocratie, le rétablissement du territoire, son développement et le bien-être de sa population.
Plus encore : il n’y aura pas de désengagement de l’Etat, pas d’abandon de nos concitoyens polynésiens par la France.
L’Etat est un partenaire loyal, bienveillant, mais c’est aussi un partenaire exigeant.

Aussi, je n’oublie pas que la Polynésie a, dans un contexte économique et social difficile - on l’oublie parfois à Paris - commencé d’engager une démarche de redressement économique, après une année pré-électorale qui, ici comme ailleurs, n’est jamais propice aux mesures délicates.
Mais, trop souvent, je veux le dire ici, on aborde les problèmes de Polynésie française sous le seul angle budgétaire, financier, pour ne pas dire comptable et presque « étroitement » comptable.
Ce prisme n’honore personne.
Il est occultant, car il empêche de prendre la mesure de l’importance de la Polynésie française pour la France. Son importance culturelle, son importance économique, son importance géostratégique, qui permet à la France d’être présente dans le grand bassin Pacifique. Et qui permet – c’est ce que la République doit vous garantir – le rayonnement de votre Pays
C’est pour cela que nous devons discuter de vos besoins, de vos demandes et de vos attentes, autour d’une table, de façon régulière et suivie, dans le même esprit qui nous a permis d’aboutir ces derniers jours sur nombre de dossiers complexes et engageants pour l’avenir.

Car, ce qui est essentiel, c’est de pouvoir créer ensemble les conditions d’un cadre de coopération et de partenariat renforcé, de long terme, permettant à l’Etat d’accompagner la collectivité comme les communes dans la pleine exploitation du cadre statutaire actuel.

Car, ce à quoi nous devons tendre ensemble, c’est une véritable stratégie de développement de long terme.

A ce titre, l’Etat est disponible, si la Polynésie le souhaite, pour l’appuyer dans l’élaboration d’un cadre de coopération rénové avec le Pays, en l’aidant techniquement à définir des politiques de long terme dans les secteurs clef du devenir polynésien : l’éducation, l’aménagement du territoire, la recherche et l’innovation, mais aussi le logement social.
En matière d’éducation, il y a – comme le disait le général de Gaulle – une « ardente obligation à avoir ».
Mais un tel tournant dans les relations Etat-Pays, seul à même d’assurer le développement durable et la prospérité du territoire, ne sera réalisable qu’à condition d’une volonté claire en ce sens de la collectivité.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de demander au Pays de revenir sur des compétences qui sont les siennes, mais bien plutôt de lui fournir un appui technique à la définition de politiques publiques dans la durée.
A ce titre, si l’Etat continuera à vous accompagner dans les domaines qui relèvent de la compétence de la Polynésie française, il ne restera pas inactif dans les domaines qui relèvent de ses compétences.
Ainsi, la loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, promulguée le 15 novembre dernier, prévoit, en son article 17, un mécanisme permettant d’aboutir à une modération des tarifs bancaires en Polynésie française. J’ai donné instruction au Haut-Commissaire de se préparer aux négociations à venir.

En effet, le Gouvernement entend privilégier, dans un premier temps, des négociations ouvertes sous l’égide du représentant de l’Etat, sur la base d’un constat et d’une analyse objectifs faits par l’IEOM, afin de parvenir à un accord de modération des tarifs bancaires.
Mais que l’on ne s’y trompe pas ! L’’Etat prendra toutes ses responsabilités en cas de défaillance de la négociation.
Beaucoup des dispositions de la loi portant régulation économique dans les outre-mer, que j’ai portée fin 2012, si ce n’est la plupart, ne sont pas applicables en Polynésie française, parce qu’elles relèvent de compétences qui sont les vôtres.
Il vous appartient, si vous le jugez utile, de transposer dans votre réglementation celles des dispositions de la loi que vous jugez adaptées à la résolution des problèmes de vie chère auxquels le Pays est confronté.

Je note avec satisfaction que la Nouvelle-Calédonie a adopté une loi du pays transposant la plupart des dispositions de la loi, qui permettent de lutter contre les monopoles, de limiter les dysfonctionnements des marchés de gros, bref, d’introduire enfin de la concurrence dans des territoires marqués par une économie de comptoir.
Eh bien, cette loi du pays, le Conseil constitutionnel l’a validée intégralement ! Et pourtant, à l’époque, que n’avais-je entendu contre mon projet : Lurel le marxiste s’abattait sur les pauvres opérateurs économiques au mépris du droit ! Les sages ont clos le débat. A vous de jouer !

Je n’ai pas l’habitude d’éluder les questions, c’est pourquoi je tiens à aborder un dernier point.
Lors de sa séance du jeudi 30 mai 2013, l’Assemblée de la Polynésie française a adopté une proposition de résolution demandant au Président de la République de bien vouloir mettre en œuvre la procédure d’autodétermination et de consulter le Peuple Polynésien en organisant le référendum prévu à l’article 53 de la Constitution.
Je suis intimement persuadé que, dans la situation économique et sociale actuelle de la Polynésie française, une telle consultation ne permettra pas de régler durablement la question de l’avenir du territoire, si tant est qu’elle se pose en ces termes.
Jusqu’à présent, l’Etat n’a pas voulu entrer dans le débat institutionnel, alors que beaucoup, ici, l’y incitaient.
Ce positionnement était pleinement justifié par la nécessaire impartialité de l’Etat lors de la campagne pour les dernières élections territoriales.
Ce positionnement doit désormais être clarifié.
Le gouvernement a pris acte de la résolution du 17 mai 2013 de l'Assemblée générale des Nations unies sur la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU.
Les Polynésiens se sont exprimés clairement lors des élections territoriales du 5 mai 2013.

Aussi, la France refuse-t-elle de s’inscrire dans un processus international de décolonisation, marquant à cet égard le respect qu’elle porte au choix qui a été démocratiquement exprimé par les Polynésiens.

Comme le Président de la République l’a rappelé, avant et après son élection, l’indépendance de la Polynésie française n’est pas la solution aux problèmes que rencontre ce territoire.
En tout état de cause, la problématique institutionnelle ne peut, ici comme ailleurs, en elle-même, suffire à traiter les questions politiques, économiques, sociales et sociétales auxquelles une société ultramarine est confrontée.
Ce qui importe avant toute chose pour relever les défis auxquels est confrontée la Polynésie, c’est que les forces vives de la société polynésienne œuvrent à l’élaboration d’une véritable stratégie-pays de long terme, fondée sur un consensus suffisant pour que tous les Polynésiens se l’approprient.
Le Gouvernement est, dans ce cadre, prêt à envisager toutes les évolutions souhaitables pour la Polynésie française, y compris en matière institutionnelle, quelle qu’en soit la nature, dès lors qu’elles résulteraient d’un consensus sur le plan local.

Le gouvernement sait entendre les attentes des Polynésiens. Comme cette nuit, lors de l’examen de la loi de programmation militaire, le gouvernement a déposé et défendu un amendement étendant à toute la Polynésie la possibilité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires. Et cet amendement a été adopté à l’unanimité.
Par cette extension, comme le disait mon collègue Jean-Yves LE DRIAN, ministre de la Défense, la France manifeste sa reconnaissance de la contribution de la Polynésie au maintien de son rôle et de sa place dans le monde.

Mesdames et messieurs les élus, je conclurai mon propos en vous renouvelant mes remerciements pour l’accueil que vous, et au-delà de vous, la Polynésie française, m’avez réservé.
Je sais la qualité des hommes et des femmes que porte cette terre, je sais leur amour pour cette terre, et c’est confiant en leur capacité à trouver, ensemble, le chemin du redressement et du développement que j’ai abordé cette première vraie rencontre avec la Polynésie française.

Je vous remercie.

Victorin Lurel


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