Ce mercredi matin, Marc Maamaatuaiahutapu dit Maco Tevane s’en est allé à l’âge de 76 ans. C’est entouré des siens qu’il a fermé les yeux pour la dernière fois sur son fenua, son nūna’a (peuple) et sa langue, le reo mā’ohi. La culture polynésienne vient de perdre un de ses plus grands défenseurs.
Au-delà de tout message protocolaire, nous parlerons tout simplement de l’homme de culture qu’était Maco Tevane. Un homme de la trempe d’un Henri Hiro pour sa connaissance inégalée de la langue polynésienne et son âme poétique, et d’un John Teariki pour la pertinence et la loyauté de ses convictions. Pour lui, le mā’ohi est au centre de la vie de cette terre qu’il a tant aimée, Pōrīnetia. Il lui aura voué plus de 50 ans de sa vie. Un jour, il a dit à une secrétaire du tribunal de Pape’ete, dont il deviendra d’ailleurs l’un des meilleurs interprètes officiels en 1966 : « Tous ces gens qui viennent de loin et qui ne parlent que la langue tahitienne détiennent les secrets de certains dialectes et mots qui n’existeront plus d’ici quelques années. » Elle lui sourit, et pourtant, il avait déjà vu l’importance de sauvegarder cet héritage ancestral. Un an plus tard, alors qu’il animait une émission sur les ondes radios de l’ORTF, il insistait souvent sur les prononciations ou encore les noms de famille « car un nom de famille polynésien mal prononcé, c’est une partie de l’âme de toute la famille qui est écorchée ! »
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L’un des moments les plus importants de sa vie fut sans conteste la création de l’Académie Tahitienne le 2 août 1972. Deux ans après l’officialisation complète de l’entité, il installa les premiers membres qui étaient au nombre de 20. Parmi eux, Flora Devatine, Nedo Salmon ou encore Samuel Raapoto et l’actuel directeur de l’Académie, John Doom. Ce dernier a d’ailleurs succédé à Maco Tevane qui posa sa démission l’an passé pour des raisons de santé.
Maco Tevane avait sa manière bien à lui d’enseigner la langue tahitienne. Tous ceux et celles qui ont fréquenté ses cours, notamment au collège La Mennais au début des années 80 (1982 plus précisément) se souviennent d’un ‘orometua (enseignant) qui avait toujours le mot pour rire, tout en restant sérieux et il restera ainsi jusqu’au moment où il se retira avec les siens. Un de ses anciens élèves, devenu journaliste, se rappelle d’une des plus grandes leçons d’humilité jamais enseignées dans cette langue : « Je lui avais rendu visite alors qu’il était encore directeur du Fare Vāna’a. (…) Un moment, nous avions abordé le sujet de la réelle compréhension du reo Tahiti. Soudain, en réajustant ses lunettes tout en prenant place dans son fauteuil, il me demanda : «que dis un mā’ohi lorsqu’il n’aime pas quelque-chose ou quelqu’un ? A cette question, je rigolais en croyant tout d’abord qu’il se moquait peut-être de moi. En fait, pas du tout car la réponse n’était pas si évidente que cela. J’ai tout sorti mon arsenal de vocabulaire, mais à chaque fois, il me répondait : non ! Je sortais une autre formule et encore un non ! Pour finir, j’ai fini par « donner ma langue au chat ». Il me fixa avec ses yeux malicieux et me montra juste un geste de mépris. Vous savez, le genre où on dédaigne en disant à une personne « Pfffff ! Laisse tomber ! ». Là, j’avais compris que j’avais encore beaucoup de choses à apprendre, même si je pratiquai le reo Tahiti depuis une trentaine d’années. Je vous assure que ça vous remet à votre place car parfois nous, les journalistes en langue tahitienne, pensons parfois détenir la science infuse. En vérité, j’avais plutôt une science « confuse ». En vérité, il m’expliquait que c’était là une façon de se remettre en question, en revenant toujours à l’essentiel. »
« Et voilà qu’aujourd’hui ‘orometua, tu nous a quitté. Nos pensées vont évidemment vers tes quatre enfants, dont notre collègue Mateata et biensûr Heremoana qui, il faut l’avouer, a suivi ton chemin en ayant été un grand chef de groupe de danse, un parolier mais aussi le défenseur de notre culture que tous reconnaissent et respectent. Donc, tu vois ‘orometua, tu n’es pas vraiment parti. Le corps périt, mais les paroles et les actes demeurent. Les îles te doivent beaucoup. Sans toi, point d’académies pa’umotu et marquisiennes. Tes collègues Jean Kape et Toti Teikiehuupoko sont unanimes lorsqu’ils expriment que tu n’as eu de cesse de mettre aussi les langues des îles, en avant. Ta voix, nous l’avons encore dans nos mémoires. Elle raisonne toujours dans nos cœurs et nous ferait même presque fredonner l’air de la chanson de Pāpā Penu et Māmā Roro, une pièce que tu as écrite et que Heremoana a bien fait de ressortir des cartons. A la première représentation, on se souvient des fous rires de deux générations séparée par une trentaine d’années, l’époque où on entendit parler de ce drôle de couple pour la première fois. A cette époque-là, c’était ton ami et frère David Teai qui incarnait Pāpā Penu. Mais au fait ‘orometua, tu le salueras de notre part car là où il est, il se sentira moins seul. Māuruuru Maco. Bon voyage l’ami, le frère, mais aussi le père. ‘Ia maita’i i tō tere ! »
Teaiki Pihahuna
Au-delà de tout message protocolaire, nous parlerons tout simplement de l’homme de culture qu’était Maco Tevane. Un homme de la trempe d’un Henri Hiro pour sa connaissance inégalée de la langue polynésienne et son âme poétique, et d’un John Teariki pour la pertinence et la loyauté de ses convictions. Pour lui, le mā’ohi est au centre de la vie de cette terre qu’il a tant aimée, Pōrīnetia. Il lui aura voué plus de 50 ans de sa vie. Un jour, il a dit à une secrétaire du tribunal de Pape’ete, dont il deviendra d’ailleurs l’un des meilleurs interprètes officiels en 1966 : « Tous ces gens qui viennent de loin et qui ne parlent que la langue tahitienne détiennent les secrets de certains dialectes et mots qui n’existeront plus d’ici quelques années. » Elle lui sourit, et pourtant, il avait déjà vu l’importance de sauvegarder cet héritage ancestral. Un an plus tard, alors qu’il animait une émission sur les ondes radios de l’ORTF, il insistait souvent sur les prononciations ou encore les noms de famille « car un nom de famille polynésien mal prononcé, c’est une partie de l’âme de toute la famille qui est écorchée ! »
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L’un des moments les plus importants de sa vie fut sans conteste la création de l’Académie Tahitienne le 2 août 1972. Deux ans après l’officialisation complète de l’entité, il installa les premiers membres qui étaient au nombre de 20. Parmi eux, Flora Devatine, Nedo Salmon ou encore Samuel Raapoto et l’actuel directeur de l’Académie, John Doom. Ce dernier a d’ailleurs succédé à Maco Tevane qui posa sa démission l’an passé pour des raisons de santé.
Maco Tevane avait sa manière bien à lui d’enseigner la langue tahitienne. Tous ceux et celles qui ont fréquenté ses cours, notamment au collège La Mennais au début des années 80 (1982 plus précisément) se souviennent d’un ‘orometua (enseignant) qui avait toujours le mot pour rire, tout en restant sérieux et il restera ainsi jusqu’au moment où il se retira avec les siens. Un de ses anciens élèves, devenu journaliste, se rappelle d’une des plus grandes leçons d’humilité jamais enseignées dans cette langue : « Je lui avais rendu visite alors qu’il était encore directeur du Fare Vāna’a. (…) Un moment, nous avions abordé le sujet de la réelle compréhension du reo Tahiti. Soudain, en réajustant ses lunettes tout en prenant place dans son fauteuil, il me demanda : «que dis un mā’ohi lorsqu’il n’aime pas quelque-chose ou quelqu’un ? A cette question, je rigolais en croyant tout d’abord qu’il se moquait peut-être de moi. En fait, pas du tout car la réponse n’était pas si évidente que cela. J’ai tout sorti mon arsenal de vocabulaire, mais à chaque fois, il me répondait : non ! Je sortais une autre formule et encore un non ! Pour finir, j’ai fini par « donner ma langue au chat ». Il me fixa avec ses yeux malicieux et me montra juste un geste de mépris. Vous savez, le genre où on dédaigne en disant à une personne « Pfffff ! Laisse tomber ! ». Là, j’avais compris que j’avais encore beaucoup de choses à apprendre, même si je pratiquai le reo Tahiti depuis une trentaine d’années. Je vous assure que ça vous remet à votre place car parfois nous, les journalistes en langue tahitienne, pensons parfois détenir la science infuse. En vérité, j’avais plutôt une science « confuse ». En vérité, il m’expliquait que c’était là une façon de se remettre en question, en revenant toujours à l’essentiel. »
« Et voilà qu’aujourd’hui ‘orometua, tu nous a quitté. Nos pensées vont évidemment vers tes quatre enfants, dont notre collègue Mateata et biensûr Heremoana qui, il faut l’avouer, a suivi ton chemin en ayant été un grand chef de groupe de danse, un parolier mais aussi le défenseur de notre culture que tous reconnaissent et respectent. Donc, tu vois ‘orometua, tu n’es pas vraiment parti. Le corps périt, mais les paroles et les actes demeurent. Les îles te doivent beaucoup. Sans toi, point d’académies pa’umotu et marquisiennes. Tes collègues Jean Kape et Toti Teikiehuupoko sont unanimes lorsqu’ils expriment que tu n’as eu de cesse de mettre aussi les langues des îles, en avant. Ta voix, nous l’avons encore dans nos mémoires. Elle raisonne toujours dans nos cœurs et nous ferait même presque fredonner l’air de la chanson de Pāpā Penu et Māmā Roro, une pièce que tu as écrite et que Heremoana a bien fait de ressortir des cartons. A la première représentation, on se souvient des fous rires de deux générations séparée par une trentaine d’années, l’époque où on entendit parler de ce drôle de couple pour la première fois. A cette époque-là, c’était ton ami et frère David Teai qui incarnait Pāpā Penu. Mais au fait ‘orometua, tu le salueras de notre part car là où il est, il se sentira moins seul. Māuruuru Maco. Bon voyage l’ami, le frère, mais aussi le père. ‘Ia maita’i i tō tere ! »
Teaiki Pihahuna
Témoignage de Jean Kape, directeur de l’académie pa’umotu. Interview en langue des tüamotu
«O Maco Tevane, e tagata rahi teie i mātau hia i ruga i te henua nei. Mea rahi i te haga o tā mātou i rave. Te mihi nei mātou īa na. E tagata here hia teie. I roto i te ferurihaga, rave rahi i te mau tuhaa i roaka ai i te rave nō te reko paùmotu nō teriā e teriā motu. E tae i tō mātou manako i tāna tamariki, nō temea ‘ua moè teie makui. Fāriki mai tēnei manako. Teie mātou e mau tamariki nō te henua kaiga o tē rekoreko atu nei. E mau noa tō koe hōho’a iā mātou, ‘e tō koe meitaki. E tupu ihoa i te manako i te kimi īa koe. Kāhipa mai īa mātou nei mai i ruga mai i te ragi teitei, o koe te vanaga rahi. Kānoho ra e tō’u hoa. E mau noa i tā koe mau haga i roto i tāku manako.»
«O Maco Tevane, e tagata rahi teie i mātau hia i ruga i te henua nei. Mea rahi i te haga o tā mātou i rave. Te mihi nei mātou īa na. E tagata here hia teie. I roto i te ferurihaga, rave rahi i te mau tuhaa i roaka ai i te rave nō te reko paùmotu nō teriā e teriā motu. E tae i tō mātou manako i tāna tamariki, nō temea ‘ua moè teie makui. Fāriki mai tēnei manako. Teie mātou e mau tamariki nō te henua kaiga o tē rekoreko atu nei. E mau noa tō koe hōho’a iā mātou, ‘e tō koe meitaki. E tupu ihoa i te manako i te kimi īa koe. Kāhipa mai īa mātou nei mai i ruga mai i te ragi teitei, o koe te vanaga rahi. Kānoho ra e tō’u hoa. E mau noa i tā koe mau haga i roto i tāku manako.»
Témoignage de Toti Teikiehuupoko, directeur de l’académie marquisienne. Interview en langue marqisienne ('Ua Pou)
« E na hoì tēnei, ‘ua tītii tēnei kūhane, o tēnei o na hoa nei o Maco Tevane. Òia te iho mai i òto i tītahi hana taetae nui nō te Henua ènana, i òto i te ava òia i hakatee nei i òto i te haa tumu. Òia te ènana i toko tiàtohu i te hakapohuèìa i tēnei haa tumu o te henua ènana i na ava òia i hakatee nei i òto i te hau henua. Te mea anaiho à, ia koàka e peàu, noatu ‘ua kàò tō īa nino,te kūhane e na ànaù nei, a vai nei. E na e vai nei i vaveka o tātou, a tika à tōia nino, e kaò īa. Òia anaiho i te mea taetae nui i òto i tō au pohuèìa me tēnei ènana, i tōia toko pao èka i òto i te haa tumu o te henua ènana, i te keke o te èo tītahi o tāia i tokoìa i te mea ‘ia tumu tēnei hakatu hana īo tātou i te henua ènana nei. Te maakau tōmuana òa e tīhe ihoa i tāia puke tama, ma uka o te ikoa o te piika èo o te henua ènana (…) e kātahi te piika nui o Motu Haka nō te Henua Enana nō te mea òinei tītahi hana kanahau i tēnei ènana o Maco Tevane, i tōia pātoko tiàtohuìa mai īa mātou, i te ùmihiìa ‘ia hakapohuè hakaùa mai i te haa tumu o te henua ènana. E hakatīhe atu nei au i te tekao kaòha i tēnei mahaì nei mōhani okoìa o Heremoana, nō te hakakite atu i tō mātou hakapakaihi i òto o tēnei mamae a àtou e àvei nei. Nō keìka, koù i te hatu mana nui ia apuu atu i tōia nino me tōia Kūhane ma te kaokao iho oia i oto i tōia pohuèìa i te aki. »
« E na hoì tēnei, ‘ua tītii tēnei kūhane, o tēnei o na hoa nei o Maco Tevane. Òia te iho mai i òto i tītahi hana taetae nui nō te Henua ènana, i òto i te ava òia i hakatee nei i òto i te haa tumu. Òia te ènana i toko tiàtohu i te hakapohuèìa i tēnei haa tumu o te henua ènana i na ava òia i hakatee nei i òto i te hau henua. Te mea anaiho à, ia koàka e peàu, noatu ‘ua kàò tō īa nino,te kūhane e na ànaù nei, a vai nei. E na e vai nei i vaveka o tātou, a tika à tōia nino, e kaò īa. Òia anaiho i te mea taetae nui i òto i tō au pohuèìa me tēnei ènana, i tōia toko pao èka i òto i te haa tumu o te henua ènana, i te keke o te èo tītahi o tāia i tokoìa i te mea ‘ia tumu tēnei hakatu hana īo tātou i te henua ènana nei. Te maakau tōmuana òa e tīhe ihoa i tāia puke tama, ma uka o te ikoa o te piika èo o te henua ènana (…) e kātahi te piika nui o Motu Haka nō te Henua Enana nō te mea òinei tītahi hana kanahau i tēnei ènana o Maco Tevane, i tōia pātoko tiàtohuìa mai īa mātou, i te ùmihiìa ‘ia hakapohuè hakaùa mai i te haa tumu o te henua ènana. E hakatīhe atu nei au i te tekao kaòha i tēnei mahaì nei mōhani okoìa o Heremoana, nō te hakakite atu i tō mātou hakapakaihi i òto o tēnei mamae a àtou e àvei nei. Nō keìka, koù i te hatu mana nui ia apuu atu i tōia nino me tōia Kūhane ma te kaokao iho oia i oto i tōia pohuèìa i te aki. »
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