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Cour d’Assises: Est-ce que j’ai tué Antoine, ce matin-là ?

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Cour d’Assises: Est-ce que j’ai tué Antoine, ce matin-là ?
PAPEETE, le 15 septembre 2014. Depuis ce lundi matin Jimmy A.M 42 ans comparaît devant la Cour d’assises de Papeete pour avoir volontairement donné la mort à son voisin dans le quartier Gobrait à Faa'a. Ce dernier, âgé de 78 ans, avait été égorgé au coupe-coupe, victime collatérale d’une violente colère du quadragénaire sur fond de relations tendues de voisinage.

La Cour d’assises a son protocole et laisse en premier, à l’ouverture des débats, la parole à l’accusé. Il est là, dans le box depuis une vingtaine de minutes, cheveu court, chemise blanche et pantalon gris, le regard perdu hors des barreaux qui l’entourent. D’allure plus que correcte, cet instituteur en congé maladie pour dépression bien avant les faits qui le conduisent devant un jury d’assises, a le look du gendre idéal. Quand il prend la parole, sa voix ne tremble pas : il parle plus de cinq minutes sans jamais chercher ses mots, sans se dérober aux regards de la famille de la victime, venue en nombre assister à ce procès. Il dit être hanté par le souvenir de ce samedi 12 janvier 2013, «j’ai essayé par tous les moyens de comprendre ce qui s’est passé». Il estime que sa victime, Antoine âgé de 78 ans, sur lequel il venait de porter six coups de sabre de machette «avait toutes les chances de survie». Et espère que le procès va faire éclater la vérité. «Nous sommes tous là pour trouver la réponse à cette question. Est-ce que j’ai tué Antoine, ce matin-là» ? Pour lui, la réponse est négative et il poursuit donc en espérant obtenir le pardon à l’issue des deux jours du procès.

Dans les rangées de la salle d’audience où se sont rassemblés les membres de la famille du défunt, où figure également un autre blessé de ce samedi 12 janvier 2013, dont l’avant-bras gauche avait été profondément entaillé par le coupe-coupe, l’incompréhension est palpable. D’un côté, la famille des victimes est persuadée d’avoir assisté ce matin-là à un meurtre, de la part d’un homme enragé, quand l’autre partie plaide une thèse accidentelle venant d’un gars plutôt calme et gentil qui aurait dérapé. Mais les faits ont la vie dure.

Ce jour-là, Jimmy A.M a attendu toute la nuit le retour de sa concubine, partie faire la bringue avec des amis. Elle avait promis de rentrer dans la soirée, finalement elle ne revient qu’au petit matin, un peu après 6 heures. Il l’accueille violemment, lui demande de quitter les lieux dans l’instant et se saisit d’un coupe-coupe en menaçant de tuer les chats de sa compagne si elle ne déguerpit pas. Cette dernière sera légèrement blessée aux mains en s’interposant devant la lame de la machette. Le tapage de la dispute alerte la voisine, âgée de 73 ans, dont la terrasse surplombe la cour du jeune couple. De loin elle l’invective ou l’insulte et ce ne serait pas la première fois.
Il voit rouge. Toujours armé de son coupe-coupe, il escalade le mur d’enceinte haut de plus de deux mètres entre les deux propriétés mitoyennes et s’en va chercher sa voisine pour qu’elle s’excuse. C’est en tout cas la version de son état d’esprit du moment qu’il livre aux gendarmes dès son interpellation. Car, avant de rentrer dans la maison de la voisine, il croise sur l’escalier extérieur Antoine, le compagnon de la vieille femme. Les circonstances restent mal établies mais c’est bien dans son trajet vers la maison des voisins que Jimmy assène plusieurs coups de coupe-coupe au vieil homme, assis dans son escalier extérieur. L’autopsie révèle qu’il y a eu au total six plaies portées sur le matahiapo, aucune n’est immédiatement mortelle, même celle de 16 centimètres qui lui ouvre la gorge. Le vieil homme, soigné depuis des années pour une maladie cardio-vasculaire et un cancer, mourra deux heures après les faits.

Entre-temps Jimmy a continué sa folle poursuite. Alertés par les cris, les fils de la voisine sont déjà dans la maison. L’un se sauvera devant l’agresseur au coupe-coupe, un autre est atteint par l’arme blanche à l’avant-bras : une profonde plaie de 6 cm de long qui lui vaut 10 jours d’ITT. Alors seulement Jimmy semble remarquer l’état critique de son voisin. Il tente un point de compression pour arrêter l’hémorragie, appelle le SAMU. Neuf minutes à peine se sont écoulées entre le moment de la dispute avec sa compagne et le moment où la pression retombe. Neuf minutes au cours desquelles Jimmy laisse libre cours via la rage à sa dépression carabinée qui l’empêche de travailler depuis longtemps, à ses soupçons d’infidélité au sujet de sa jeune compagne, à sa colère rentrée pour la voisine qui lui empoisonne l’existence avec ses brûlis de carcasses de poulet et le chant de ses coqs.
Neuf minutes au cours desquelles il dévie totalement de l’image de l’homme courtois et posé qu’il présente 21 mois plus tard devant la Cour d’assises. Pour la partie civile, ce déni de responsabilité de l’accusé à l’ouverture du procès ajoute certainement une lourdeur supplémentaire à l’enchaînement de violences qui a conduit à leur faire perdre un compagnon, un père, un grand-père. Jimmy A.M risque 30 ans de réclusion criminelle. Les jurés ont jusqu’à ce mardi soir pour décider de son degré de culpabilité.



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