PAPEETE, le 14 aout 2014 – La pré-rentrée de l’enseignement privé était organisée en un grand colloque réunissant profs et instits des écoles catholiques et protestantes du territoire, avec comme invité d’honneur Philippe Meirieu. C’est un chercheur et écrivain français, spécialiste des sciences de l'éducation et de la pédagogie qui participé à de nombreuses réformes de l’Éducation Nationale.
Pour clôturer ces deux jours de pré-rentrée, une conférence ouverte à tous était organisée, présentée par M. Meirieu lui-même durant deux heures, sur le thème : « Parents, enseignants, éducateurs: partenaires pour le développement et la réussite des enfants et adolescents ». De nombreux parents et éducateurs étaient présents et ont été passionnés par la présentation.
Comment les parents sont passés de la totale acceptation à une opposition franche à l’école
Pour entamer la conférence, le chercheur, historien de formation, s’est longuement attardé sur l’histoire de l’École française, et le rôle des parents dans le processus, depuis le 15ème siècle et en passant par la création de l’Instruction publique en 1830.
C’est en 1880, avec Jules Ferry, que nait l’Éducation Nationale contemporaine. Elle a alors pour but de former des citoyens français, en opposition aux traditions des parents qui parlent chacun un patois différent et n’ont pas alors l’idéal républicain très ancré. L’école s’oppose alors frontalement aux parents, mais comme elle offre alors une porte grande ouverte vers un avenir meilleur, les parents laissent faire.
C’est l’arrivée du chômage de masse qui remet en doute l’école dans l’esprit des parents dès les années 70. Et depuis, le développement de l’individualisme dans la société française a conduit à un comportement de « consommateur-école », où les parents remettent en cause les méthodes scolaires, veulent choisir les classes et les écoles les meilleures pour leurs enfants, et du coup mettent en péril toute la fondation de l’école républicaine. « Mais peut-on le leur reprocher ? Je ne crois pas. Déjà parce que nous, enseignants, sommes les premiers à essayer d’optimiser le système pour l’éducation de nos enfants. Et ensuite, aujourd’hui il n’y a plus de valeur supérieure qui puisse s’imposer sur l’intérêt personnel des parents. »
Mais cette tension « va pousser à des fractures, à des hiérarchisations entre classes et écoles. D’où l’importance de refonder l’école et de retrouver des valeurs fondamentales communes partagées par les parents et tous les éducateurs. »
Trois nouvelles valeurs fondamentales
Philippe Meirieu propose trois valeurs en forme de verbes qui devraient faire l’unanimité :
- Surseoir : « Il ne faut pas tout avoir tout de suite, il faut pouvoir prendre du temps pour penser. » De cette façon il espère combattre le développement du capitalisme pulsionnel, où les jeunes, surtout en métropole, ne vivent plus que dans l’achat impulsif de produits vantés par la pub, et dans la satisfaction immédiate de leurs pulsions. « Mais un désir est différent d’une pulsion. (La pulsion d’avoir le dernier smartphone est apaisée dès qu’on l’a eu.) Mais le désir de savoir n’est pas apaisé lorsque l’on a appris quelque chose. La pulsion sexuelle est apaisée après l’acte d’amour, mais le désir pour un être aimé ne l’est pas. » Apprendre aux enfants à faire la différence passe, selon l’expert, par ce verbe : « surseoir ». Les pulsions passent, les désirs restent.
- Symboliser : c’est le fait de faire exister ce qu’on ne voit pas, faire exister l’histoire de nos ancêtres, se représenter les concepts scientifiques, ou même mettre des mots sur ce qui nous habite. « Un enfant qui ne symbolise pas existe tout entier dans l’émotion et il ne peut pas entrer dans l’apprentissage. » Un bon exercice à faire à la maison est d’obliger les enfants à reformuler leurs phrases : « tu veux vraiment dire ça ou tu voulais dire… Raconte-moi ta journée… » Tout ce qui lui permet de mettre en place la structure du langage – ou de deux langues dans le cas polynésien – l’aide dans son développement mental.
- Coopérer : il faut apprendre aux enfants à travailler et vivre ensemble. L’autorité est liée à une responsabilité, par exemple chez les petits, ça peut être de le nommer responsable du bocal à poisson rouge, décider si il faut nourrir plus ou moins le poisson, quand il faut le nettoyer, ect. « Sans responsabilités, la seule façon de s’exprimer pour un enfant est en foutant la pagaille. »
Signer un contrat avec les parents
Pour réaliser cette refondation de l’école, Philippe Meirieu propose déjà aux éducateurs de ne pas se mêler de la vie privée des parents. Si le père est absent, les remarques ne vont servir à rien, et ce n’est certes pas une raison pour baisser les bras sur des difficultés scolaires : « Si un enfant avec un père absent a des difficultés en lecture, elles ne seront résolues quand son père reviendra. C’est d’apprendre à lire qui l’aidera à mieux gérer l’absence de son père. »
En contrepartie, les parents doivent reconnaitre que les enseignants sont des professionnels formés et entrainés, et ils doivent leur faire confiance. « Il faudrait clarifier contractuellement les rapports entre parents et enfants. » Il y a plusieurs problèmes à aborder, par exemple :
- Les devoirs à la maison : quel doit être le rôle des parents ? Faut-il aider ou non ?
- Les sanctions : les parents doivent-ils toujours être informés d’une punition ? Ils risquent de prendre parti pour l’école contre leur enfant, ou au contraire de remettre en cause l’autorité de l’enseignant… « Une bonne sanction permet à l’élève de réparer sa faute et de se réintégrer dans la classe ».
- L’orientation des élèves : qui doit décider de la filière où va aller l’enfant ? À quel âge ?
- Les problèmes scolaires : « Il faut que l’école soit son propre recours », il ne faut pas laisser les parents se débrouiller seuls dès qu’un problème apparait, au contraire, une difficulté scolaire doit pouvoir être traitée dans l’école (c’est l’objectif des cours de soutien intégrés dans une réforme récente par exemple).
Il faut enfin discuter des problèmes modernes tous ensemble : « que faire quand un enfant ou un ado dort 2h par nuit parce qu’il passe son temps sur YouTube et sur les jeux en ligne ? »
Pour clôturer ces deux jours de pré-rentrée, une conférence ouverte à tous était organisée, présentée par M. Meirieu lui-même durant deux heures, sur le thème : « Parents, enseignants, éducateurs: partenaires pour le développement et la réussite des enfants et adolescents ». De nombreux parents et éducateurs étaient présents et ont été passionnés par la présentation.
Comment les parents sont passés de la totale acceptation à une opposition franche à l’école
Pour entamer la conférence, le chercheur, historien de formation, s’est longuement attardé sur l’histoire de l’École française, et le rôle des parents dans le processus, depuis le 15ème siècle et en passant par la création de l’Instruction publique en 1830.
C’est en 1880, avec Jules Ferry, que nait l’Éducation Nationale contemporaine. Elle a alors pour but de former des citoyens français, en opposition aux traditions des parents qui parlent chacun un patois différent et n’ont pas alors l’idéal républicain très ancré. L’école s’oppose alors frontalement aux parents, mais comme elle offre alors une porte grande ouverte vers un avenir meilleur, les parents laissent faire.
C’est l’arrivée du chômage de masse qui remet en doute l’école dans l’esprit des parents dès les années 70. Et depuis, le développement de l’individualisme dans la société française a conduit à un comportement de « consommateur-école », où les parents remettent en cause les méthodes scolaires, veulent choisir les classes et les écoles les meilleures pour leurs enfants, et du coup mettent en péril toute la fondation de l’école républicaine. « Mais peut-on le leur reprocher ? Je ne crois pas. Déjà parce que nous, enseignants, sommes les premiers à essayer d’optimiser le système pour l’éducation de nos enfants. Et ensuite, aujourd’hui il n’y a plus de valeur supérieure qui puisse s’imposer sur l’intérêt personnel des parents. »
Mais cette tension « va pousser à des fractures, à des hiérarchisations entre classes et écoles. D’où l’importance de refonder l’école et de retrouver des valeurs fondamentales communes partagées par les parents et tous les éducateurs. »
Trois nouvelles valeurs fondamentales
Philippe Meirieu propose trois valeurs en forme de verbes qui devraient faire l’unanimité :
- Surseoir : « Il ne faut pas tout avoir tout de suite, il faut pouvoir prendre du temps pour penser. » De cette façon il espère combattre le développement du capitalisme pulsionnel, où les jeunes, surtout en métropole, ne vivent plus que dans l’achat impulsif de produits vantés par la pub, et dans la satisfaction immédiate de leurs pulsions. « Mais un désir est différent d’une pulsion. (La pulsion d’avoir le dernier smartphone est apaisée dès qu’on l’a eu.) Mais le désir de savoir n’est pas apaisé lorsque l’on a appris quelque chose. La pulsion sexuelle est apaisée après l’acte d’amour, mais le désir pour un être aimé ne l’est pas. » Apprendre aux enfants à faire la différence passe, selon l’expert, par ce verbe : « surseoir ». Les pulsions passent, les désirs restent.
- Symboliser : c’est le fait de faire exister ce qu’on ne voit pas, faire exister l’histoire de nos ancêtres, se représenter les concepts scientifiques, ou même mettre des mots sur ce qui nous habite. « Un enfant qui ne symbolise pas existe tout entier dans l’émotion et il ne peut pas entrer dans l’apprentissage. » Un bon exercice à faire à la maison est d’obliger les enfants à reformuler leurs phrases : « tu veux vraiment dire ça ou tu voulais dire… Raconte-moi ta journée… » Tout ce qui lui permet de mettre en place la structure du langage – ou de deux langues dans le cas polynésien – l’aide dans son développement mental.
- Coopérer : il faut apprendre aux enfants à travailler et vivre ensemble. L’autorité est liée à une responsabilité, par exemple chez les petits, ça peut être de le nommer responsable du bocal à poisson rouge, décider si il faut nourrir plus ou moins le poisson, quand il faut le nettoyer, ect. « Sans responsabilités, la seule façon de s’exprimer pour un enfant est en foutant la pagaille. »
Signer un contrat avec les parents
Pour réaliser cette refondation de l’école, Philippe Meirieu propose déjà aux éducateurs de ne pas se mêler de la vie privée des parents. Si le père est absent, les remarques ne vont servir à rien, et ce n’est certes pas une raison pour baisser les bras sur des difficultés scolaires : « Si un enfant avec un père absent a des difficultés en lecture, elles ne seront résolues quand son père reviendra. C’est d’apprendre à lire qui l’aidera à mieux gérer l’absence de son père. »
En contrepartie, les parents doivent reconnaitre que les enseignants sont des professionnels formés et entrainés, et ils doivent leur faire confiance. « Il faudrait clarifier contractuellement les rapports entre parents et enfants. » Il y a plusieurs problèmes à aborder, par exemple :
- Les devoirs à la maison : quel doit être le rôle des parents ? Faut-il aider ou non ?
- Les sanctions : les parents doivent-ils toujours être informés d’une punition ? Ils risquent de prendre parti pour l’école contre leur enfant, ou au contraire de remettre en cause l’autorité de l’enseignant… « Une bonne sanction permet à l’élève de réparer sa faute et de se réintégrer dans la classe ».
- L’orientation des élèves : qui doit décider de la filière où va aller l’enfant ? À quel âge ?
- Les problèmes scolaires : « Il faut que l’école soit son propre recours », il ne faut pas laisser les parents se débrouiller seuls dès qu’un problème apparait, au contraire, une difficulté scolaire doit pouvoir être traitée dans l’école (c’est l’objectif des cours de soutien intégrés dans une réforme récente par exemple).
Il faut enfin discuter des problèmes modernes tous ensemble : « que faire quand un enfant ou un ado dort 2h par nuit parce qu’il passe son temps sur YouTube et sur les jeux en ligne ? »
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