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Assemblée Nationale: Edouard Fritch intervient sur le tribunal foncier en Polynésie

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Assemblée Nationale: Edouard Fritch intervient sur le tribunal foncier en Polynésie
PARIS, le 15 avril 2014 - Le député Edouard Fritch est intervenu lors de la discussion générale sur le projet de loi de modernisation du Droit qui se tenait à l'assemblée nationale mardi soir. La raporteure Mme Colette Capdevielle, a souligné que les amendements introduits en commission par les députés polynésiens « répondent à des problèmes fonciers récurrents » et « permettent au tribunal foncier de démarrer enfin son activité ».

Intervention de M. Edouard Fritch
au nom du groupe UDI

Discussion générale

Projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures



Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Madame la rapporteure,
Mes chers collègues,


Nous abordons aujourd’hui l’examen d’un texte dont notre assemblée est coutumière : d’importantes entreprises de simplification ont été menées sous la précédente législature et rappelons-le, ce projet de loi constitue le quatrième texte de simplification par voie d’ordonnance dont notre Assemblée est appelée à connaître au cours de la présente législature.

Sans conteste, toute initiative qui vise à simplifier notre arsenal juridique a vocation à tous ici nous rassembler. Face à l’inflation législative qui s’est emparée de nos assemblées ces dernières années, face à une simplification croissante du droit, nul ne peut mettre en cause la nécessité de restaurer, au nom des principes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, la qualité et la lisibilité de la norme juridique.

Car, lorsque la loi de la République devient l’affaire des seuls spécialistes, c’est bien la crédibilité de la norme juridique elle-même qui est en cause. Au-delà, c’est le sentiment de proximité du citoyen envers l’Etat et la confiance que celui-ci place dans les pouvoirs publics qui s’en trouvent affectés.

Il est donc de notre devoir de législateur de prendre une part active et directe à la dynamique de simplification, de modernisation et d’amélioration de la qualité de notre droit.

Ainsi, c’est avec conviction, mes chers collègues, que les députés du groupe UDI adhèrent à cette volonté de simplifier, de moderniser le droit et les procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

C’est là du reste une exigence à même de tous ici nous rassembler, dans la ligne de cette décision du Conseil constitutionnel, qui, saisi en 1999, d’un texte aux objectifs similaires, avait reconnu à l’accessibilité ainsi qu’à l’intelligibilité du droit sa qualité d’objectif à valeur constitutionnelle.

On peut néanmoins regretter, à nouveau, la portée très large et assez vague de ce texte. Mais permettez-moi d’en profiter pour vous parler du volet foncier en Polynésie française, car l’urgence de la situation n’autorise plus le maintien statu quo actuel ; il nous faut avancer, et vite !

La Polynésie française se caractérise par des traditions en matière d’accès et de valorisation des biens fonciers qui diffèrent largement de ceux qui furent à la base des dispositions consacrées, en France métropolitaine, par le Code civil. Grossièrement, à un principe traditionnel - et très océanien - de propriété et d’exploitation collective des terres est venu se substituer, depuis l’application du Code civil en Polynésie française, une appropriation et une exploitation individuelle de celles-ci.
La mise en œuvre des principes du Code civil a imposé une parfaite connaissance des différentes terres composant le territoire de chacune des îles ou de chacun des atolls de la Polynésie française.
Le premier cadastre digne de ce nom est toujours en cours actuellement, à grands frais. Et plus d’un siècle après le démarrage de cette politique, de nombreux conflits touchant à la délimitation des terres nourrissent la chronique judiciaire et encombre les juridictions civiles de droit commun au quotidien.

L’application correcte des principes du Code civil suppose la connaissance tout aussi parfaite de leurs propriétaires légitimes, d’origine ou successifs. La fiabilité de l’état civil, la question des généalogies sont donc toujours au cœur de la problématique foncière polynésienne.


Compte tenu de ce qui précède, la situation foncière en Polynésie française en 2014 apparaît être caractérisée par une indivision non purgée, constituée à grande échelle et sur plusieurs générations. Cette situation est pénalisante pour la sérénité des familles et est contraignante pour la vie économique.

Conscients de ces handicaps, qui empoisonnent la paix civile, engorgent les tribunaux civils et entravent le développement économique du Pays, les pouvoirs publics ont créé, je cite la loi statutaire, un « collège d’experts en matière foncière consulté sur toute question relative à la propriété foncière en Polynésie française et qui propose à l’assemblée générale des magistrats de la cour d’appel des personnes qualifiées en matière de propriété foncière pour y être agréées comme assesseurs aux tribunaux statuant en matière foncière ou comme experts judiciaires ».

Il demeure largement sous employé dans ses attributions de conseil, mais aussi dans ses fonctions de propositions d’assesseurs, puisque - et nous y reviendrons, - le tribunal foncier n’est toujours pas une réalité dix ans après son inscription dans la loi statutaire régissant les pouvoirs publics polynésiens.

Enfin, la création de la commission de conciliation obligatoire en matière foncière a pour finalité d’être essentiellement un moyen de recherche d’une conciliation et de mettre en état une affaire, par nature complexe et très conflictuelle, appelée à être jugée, faute justement de conciliation.

Force est de reconnaître qu’elle n’a pas contribué suffisamment à la résolution de fond des contentieux fonciers en raison, d’une part, comme le tribunal, d’une submersion de la commission par le nombre d’affaires à traiter annuellement et, d’autre part, le refus croissant des parties à se concilier, eu égard à l’évolution des mentalités et à la complexité de plus en plus aigue des successions.

Pour tenter d’améliorer encore plus les choses, le législateur a prévu la création en Polynésie française d’un tribunal foncier, juridiction spécialisée. Comme je le disais tantôt, l’installation de cette nouvelle juridiction n’est toujours pas effective à ce jour, lors même qu’elle apparaît comme un instrument essentiel de la solution des litiges fonciers en Polynésie française.

L’absence de prise par l’Etat de l’ordonnance prévue à l’article 17 de la loi statutaire du 27 février 2004, installant ce tribunal, a fortement contribué à empirer le problème du foncier polynésien, et le Pays n’est plus en situation de faire face, seul, à l’évolution croissante de la demande et du nombre des conflits fonciers. Vous devez être informés que près de 1000 dossiers sont en souffrance au sein de la chambre des terres, et le mouvement s’amplifie !
La Polynésie française est aujourd’hui tout à fait disposée à se responsabiliser et à mobiliser toute l’intelligence de ses services pour œuvrer, de concert avec l’Etat, à la modernisation des modes de gestion de la question foncière polynésienne.
En résumé, la situation foncière en Polynésie française apparaît de plus en plus préoccupante et est de nature à entraver la relance économique du Pays tout en étant un élément de la dissension intrafamiliale, donc de troubles potentiels à l’ordre public.
Les juridictions de l’ordre civil actuelles ne sont plus en capacité de répondre à l’ampleur de la demande, et il nous faut compléter, sur ce point, nos instruments juridictionnels et notre outil administratif. De ce point de vue, je sais gré aux membres de la commission des lois d’avoir retenu ma proposition d’amendement, pour inscrire, dans le projet de loi, en discussion les dispositions afférentes aux assesseurs. Encore que celui-ci, pour être complet, devra intégrer des dispositions, ne pouvant émaner que d’un amendement du gouvernement en vertu de l’article 40 de la Constitution, sur la rémunération des assesseurs.
Tout cela demande évidemment d’être mis en œuvre à la suite de concertations étroites entre l’Etat et le Pays. C’est la raison pour laquelle, en vue du dégagement en commun de solutions constructives sur tous ses sujets, nous réitérons notre demande au Garde des Sceaux de bien vouloir consentir à l’envoi en Polynésie française d’une mission de spécialistes de la Chancellerie chargés d’élaborer, de concert avec les services du Pays et les professionnels locaux du droit, un rapport de situation et de formuler, sur tous ces sujets, des préconisations et des projets de texte de modernisation à mettre en œuvre.
Pour conclure mon propos, dans le cas présent, le Gouvernement propose de légiférer par ordonnance. Ainsi que mes collègues du groupe UDI vous l’ont fait remarquer lors de l’examen des précédents textes de simplification, nous sommes réservés sur le choix du recours aux ordonnances qui comporte toujours le risque que le Gouvernement n’utilise pas les habilitations qui lui ont été accordées par le législateur. Il a un défaut : celui d’échapper à notre contrôle.

Néanmoins nous nous félicitons que les débats, au Sénat comme à la commission des Lois de notre assemblée, aient permis de faire évoluer le texte en privilégiant l’adoption directe des mesures envisagées, sans faire systématiquement le choix des ordonnances.

Ainsi, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous serons particulièrement vigilants quant à la mise en œuvre effective de ces mesures et nous veillerons à ce que le Parlement puisse exercer pleinement et sereinement sa mission.

En dépit des ces réserves, parce que ce texte procède d’une intention louable et œuvre en faveur de la simplification du droit et des procédures, le groupe UDI soutiendra ce projet de loi.



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