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Nostalgie du passé à Vairao : Māmā Tehau et son vieux fer à repasser

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Aujourd’hui encore, les personnes âgées du district de Vairao ont gardé des centaines d’objets usuels hérités de leurs parents. Māmā Tehau est l’une d’entre eux. A plus de la soixantaine, elle se souvient précisément de l’utilisation des anciens fers à repasser qu’elle a exposé pendant une journée sur le marae Nuutere.
Nostalgie du passé à Vairao : Māmā Tehau et son vieux fer à repasser
Māmā Tehau est née à Papeari (presqu’île de Tahiti) et habite depuis plus d’une trentaine d’années à Vaira'o. Ici, elle y a toute sa famille. Artisane réputée, notamment dans l’art du tressage de palmes de cocotiers, elle n’a pas oublié l’époque de sa jeunesse où les districts étaient encore dépourvus d’électricité et de réseaux hydrauliques performants. « A l’époque, se souvient-elle, nous travaillions vraiment très dur avec nos parents. » Elle désigne alors ce qu’elle appelle « une trieuse à café », une machine dotée d’un réceptacle au sommet où l’on y mettait les jeunes grains de café. « Les graines qui en sortaient étaient séchés au soleil pendant quelques jours. Après quoi, nous les passions au moulin à café pour les moudre. Malheureusement, les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas connu ces merveilleux moments passés entre famille. »

Mais parmi les objets exposés sous ce faré installé en plein milieu du site Nuutere, celui que la vieille dame affectionne particulièrement est le fer à repasser à charbon. Elle explique son utilisation comme si elle venait juste d’en faire usage. Ce vieux fer à repasser est resté dans les placards pendant plus de 30 ans et aujourd’hui, comme d’autres grands-parents, elle a décidé d’en parler pour ne pas oublier : « Ce fer à repasser, pour les jeunes aujourd’hui il ne faut surtout pas leur en parler car ils me demandent : « mais c’est quoi ce machin-là ? ». Mais pour moi, cet objet représente toute ma jeunesse à moi ici dans les districts. Quand j’avais dix ans déjà, j’ai appris à l’utiliser. Eh oui, je repassais tout le linge familial avec. Je puis vous assurer que le linge, de la chemise jusqu’aux jupes, était d’un aspect irréprochable. » puis de nous en expliquer la manipulation : « Tout d’abord, mon père brûlait du bois pour récupérer le charbon qui restait. Il en fallait juste un peu, l’équivalent d’une demi-bûche de 30 cm de longueur. Attention, il fallait quand même qu’il y en ait assez pour pouvoir repasser le linge des parents, des frères et sœurs et c’était une corvée obligatoire, mais surtout on le faisait car nous respections profondément nos parents.(…) Nul besoin d’électricité à cette époque-là. Nous n’étions pas riche, certes, mais nous étions heureux. L’avantage d’un tel objet, ce qu’il était portable. » rajoute-t-elle avec un grand sourire.

En prenant à nouveau ce fer à repasser dans ses mains, māmā Tehau semble revivre ses gestes d’antan. « Avec quelques charbons incandescents, il était possible de travailler entre 15 et 30 minutes avec. Pour vous donner un exemple, avec le charbon obtenu à partir d’une bûche de 30 cm, on pouvait repasser l’équivalent de 30 chemises à peu près, 10 pantalons et autant de serviettes. C’est dire de la capacité de ce fer à repasser. »

A la question : « mais quel produit utilisiez-vous pour repasser le linge ? » elle pose l’appareil, essuie ses lunettes puis nous explique d’une manière posée, comme au début : « Eh bien nous utilisions de l’amidon, comme partout. Sauf qu’ici, on le faisait nous-mêmes. On prenait du manioc puis on le râpait. A partir de là, nous obtenions une sorte de crème blanche que l’on mettait aussitôt dans une serviette blanche. La couleur est importante car il ne fallait pas déposer le manioc râpé dans un linge coloré, au risque d’avoir un amidon souillé par la teinture du linge utilisé. (… ) La serviette était donc posée au-dessus d’un seau car il y avait l’eau du manioc râpé qui s’écoulait tranquillement dans le récipient. Là encore, ce n’était pas fini. Il fallait désormais attendre que l’évaporation de l’eau laisse apparaître une poudre blanche. C’est fait ! Nous venons d’obtenir notre amidon prêt à l’utilisation. Et je puis vous dire que le linge était d’un éclat et d’une propreté sans pareil. C’était le bon temps. Tous ceux qui ont connu cette vie vous le confirmeront. »

Ces fers à repasser sont arrivés en même temps que les premiers missionnaires. A Tahiti, son utilisation s’est répandue en quelques années seulement. Dès la fin du 19ème siècle, un foyer sur deux possédait son « ‘auri ‘ahu » qui est la traduction littérale du nom en français de l’objet. Dans les années 1920, on dénombrait déjà plus de 35 000 fers à repasser présents sur le fenua, selon les historiens ayant étudié la vie quotidienne des polynésiens du début du 20ème siècle. L’arrivée du CEP, Centre d’Expérimentation du Pacifique, dans les années 60, a bouleversé la vie des habitants et avec elle, les habitudes. Peu à peu, le fer à repasser électrique allait évincer définitivement sa cousine. Le modernisme était en route. Mais pour māmā Tehau, la vie est si difficile en cette période « qu’il serait bien de revenir à son utilisation. C’est pas cher, puisqu’il n’utilise pas d’électricité, c’est économique et écologique, non ? » nous pose-t’elle la question tout en s'esclaffant. Il appartiendra à chacun d’y répondre.

Nous aurons l’occasion de revenir vers elle lors d’une édition ultérieure, mais pour parler cette fois-ci de l’une des plus vieilles machines à coudre existant sur le territoire. Une machine à coudre à pédale et… toujours en marche.

TP


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